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dramatique. Il faut surtout, il faut d’abord que tu ne perdes pas tes mains dans les plis de ta robe, ou que ton épée ne s’embarrasse pas entre tes jambes et ne te fasse pas choir…

Eh bien ! en dehors du Conservatoire, avec l’agrément des professeurs, avec leur aide (M. Delaunay, M. Got, M. Worms, M. Maubant, chacun à son tour, fait l’office de metteur en scène), M. Bodinier a fondé un petit théâtre où, deux fois la semaine, des élèves de notre école nationale de déclamation jouent la tragédie et la comédie, des ouvrages entiers, au moins des actes, en costume. Ne cherchez pas dans le budget mention de cette nouveauté : les frais sont couverts par les abonnemens, par le prix des fauteuils payés à la porte. M. Bodinier a persuadé quelques gens du bel air de s’intéresser à ces exercices : or si l’on savait dans Paris que le prince de X… et la vicomtesse de Z.., impatiens de juger quels seront nos meilleurs écrivains dans dix ans, ont pu s’abonner à la classe de rhétorique du lycée Condorcet ou du lycée Louis-le-Grand pour entendre lire, à certains jours, des discours français, on s’écraserait, ces jours-là, dans la rue du Havre ou dans la rue Saint-Jacques. Il faut dire, aussi bien, que M. Bodinier a pris soin de varier les spectacles et que, dans cette première saison, — du 18 janvier au 20 juin 1888, — ses jeunes artistes n’ont pas représenté seulement des tragédies, des comédies classiques, des pièces du répertoire moderne, qu’on peut voir au Théâtre-Français ou même à l’Odéon jouées avec plus d’expérience : ils ont remis à la scène, bravement, une quinzaine de pièces qui ont figuré naguère en compagnie de celles-là ou qui auraient pu y figurer, presque toutes curieuses, plusieurs agréables, depuis la Farce du cuvier jusqu’au Joueur de flûte, à l’Habit vert, jusqu’au Passant même, que la Comédie-Française, peut-être stimulée par cet exemple, a décidé de nous rendre. Après cela, je ne m’étonnerais pas que le prince et la vicomtesse et tous ceux qui les connaissent ou ne les connaissent pas, mais qui sont de leur suite, eussent renouvelé leur abonnement pour la saison prochaine. Il faudrait que Dorante, Uranie et M. Jourdain se fussent terriblement réduits sur l’article des menus plaisirs pour refuser à l’aimable et diligent secrétaire de la Comédie ce petit nombre d’écus ! Si d’ailleurs il arrivait, après plusieurs années, par satiété ou par quelque mode nouvelle, que le public se détachât de cette bonne œuvre, il resterait acquis, sans doute, qu’elle est bonne. L’état, j’imagine, assumerait les modiques charges de l’entreprise : elle serait rattachée officiellement au Conservatoire, peut-être ramenée dans ses murs. Le difficile, apparemment, pour le Théâtre d’application, puisque les critiques, les auteurs, les professeurs même le réclamaient en vain depuis longtemps, c’était d’exister ; l’important, c’est qu’il existe : il subsistera.

Il n’y a plus d’auteurs ! — M. Antoine… Qui cela, M. Antoine ? .. Un