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Boulanger se serait présenté dans un certain nombre de départemens, il peut se présenter dans un assez grand nombre d’arrondissemens, et si rien n’est changé d’ici là, il y a des chances pour que le résultat reste le même. On n’aura rien fait. Réduite à ces proportions, — il faut l’avouer, — cette mesure à laquelle on songe n’est plus ce qu’on peut appeler une réforme ; c’est un jeu de tactique, et avec ces procédés on s’expose à affaiblir, à déconsidérer à la fois les deux systèmes d’élection, qu’on prend ou qu’on délaisse tour à tour, sans autre raison qu’un calcul de parti et un intérêt du moment.

Qu’on rétablisse le scrutin d’arrondissement si l’on y tient, soit ; il est bien clair cependant que ce n’est qu’un palliatif peut-être assez vain, et bien plus que le changement d’une loi électorale, perpétuellement variable, incessamment adaptée à des circonstances éphémères, le vrai remède serait un retour décidé, sincère à une politique de pacification et de réparation. Cette politique, devenue difficile, nécessaire pourtant, qui se chargera de la réaliser, et comment, sous quelle forme la réalisera-t-on ? C’est une question plus que jamais agitée entre les partis, et elle ne se serait point élevée, au moins dans des termes aussi pressans, cette délicate et redoutable question, si les républicains, par leurs fautes, n’avaient conduit la France à cet état où tout semble mis en doute, la loi électorale, la constitution, l’ordre financier, la paix sociale, la république elle-même. Ils ont si bien fait, qu’aujourd’hui la carrière est ouverte à toutes les prétentions, la lutte est engagée devant la France entre toutes les causes. Certes, la cause monarchique a trouvé, ces jours derniers encore, de brillans et vaillant défenseurs, M. le duc d’Audiffret-Pasquier, M. Bocher, qui ont prononcé de très éloquens discours, l’un dans un banquet à Paris, l’autre à Pont-l’Évêque, dans une réunion des agriculteurs de la vallée d’Auge. Il y a deux parties dans ces discours. Il y a la partie accusatrice : M. d’Audiffret-Pasquier, avec sa nerveuse et ardente éloquence, M. Bocher, avec sa vive et lumineuse parole, avec son autorité persuasive et émouvante, ont retracé une fois de plus cette histoire d’une politique, — la politique des dernières années, — qui ne s’est manifestée que par des dépenses ruineuses, par des passions exclusives de parti, par une désorganisation universelle. La seconde partie est ce que l’on pourrait appeler l’exposé des motifs d’une restauration monarchique éventuelle. C’est la stabilité héréditaire opposée aux instabilités radicales. Il y a longtemps que le procès se plaide devant la France, à travers les agitations et les révolutions. Qu’en sera-t-il ? La question, M. le duc d’Audiffret-Pasquier et M. Bocher en sont plus persuadés que d’autres, n’est point aussi simple qu’on le croit, et il y aurait sans doute quelque péril à braver, pour l’honneur du principe, des crises où se rencontreraient dès le premier pas tant de compétitions diverses, où les conservateurs commenceraient par se diviser. Ce