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anciens usages ont rendues vénérables, sinon nécessaires, lesquelles n’ont, il est vrai, que l’avantage de la satisfaction du plus grand nombre, qui est un avantage innocent, mais témoignent utilement du respect qu’on peut avancer être dû, par les législateurs eux-mêmes, au général de la nation tout entière soumise à leurs lois ; c’est ainsi que, sans se méfier de la puissance des uns ni de l’obéissance des autres, on se montrera soigneux de les fortifier de tout ce qui a le plus de vénération parmi les hommes ; » c’est ainsi que l’on pourra sagement concilier les exigences du droit public avec celles de l’amour-propre national et des ministres de sa majesté britannique.

« On ne peut finir plus convenablement un mémoire uniquement entrepris pour la conservation de la patrie, écrit éloquemment le duc de Saint-Simon à la dernière page de son étude, que par demander à Dieu, avec larmes,.. qu’il plaise à sa divine bonté d’éclairer les esprits, de leur inspirer la paix, le dépouillement des motifs particuliers, la recherche sincère du vrai et du bon, l’amour de l’état,.. l’indignation de la jalousie, l’amour de l’ordre, afin que ce royaume,.. qui s’est vu au moment d’être la conquête de ses ennemis, soit traité, pour son intérieur, avec la même miséricorde qui semble recommencer à luire pour ses affaires étrangères et militaires, et qu’il jouisse nombre de siècles de l’effet entier de ces paroles du Psaume : « Que Dieu conduit jusqu’aux portes de l’enfer ou de la mort et qu’il en ramène. »

« Assez court, » malgré les pénibles efforts de ses nombreux collaborateurs, et « fort médiocre pour en parler modestement, » s’il faut ajouter foi à l’opinion de Saint-Simon, le mémoire de Noailles raisonne à peu près dans le même sens que celui de son collègue, mais les deux ducs sont en désaccord sur un point essentiel. L’un, on l’a vu, voulait que le roi fût assisté seulement, dans la décision qu’il devait prendre, par les ducs-pairs, les ducs héréditaires et les grands officiers de la couronne ; l’autre, plus libéral, ouvre les portes de ce conseil suprême « en faveur de la noblesse, » aux gouverneurs des provinces et aux chevaliers de l’ordre. Le dissentiment éclate tout de suite ; la discussion, d’abord paisible, s’anime bientôt et devient virulente. Noailles a séduit Chevreuse ; les ducs de Berry et d’Orléans, les ducs de Beauvilliers, de Charost et d’Humières tiennent pour l’avis de Saint-Simon. Une dernière conférence a lieu dans l’appartement de Chevreuse. « L’affaire pressait, et les Anglais voulaient savoir décidément à quoi s’en tenir. » Le comité des six ducs et pairs est présent. Noailles et Chevreuse plaident leur opinion avec une éloquence et une conviction qui charment l’auditoire sans le convaincre. Beauvilliers le