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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/69

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visita, du 17 avril au 17 mai, les ksour des environs de Laghouat ; le commandant Feray, officier d’ordonnance et gendre du gouverneur, fut reçu dans Aïn-Madhi, et, fait beaucoup plus considérable, Tedjini, le marabout vénéré du sud, consentit à venir au bivouac renouveler publiquement, devant le général Jusuf, ses promesses de fidélité à la France.

Les deux autres colonnes, commandées, l’une par le général Cavaignac, l’autre par le général Renault, se portèrent en suivant des directions parallèles, la première de Daya sur Asla, Tiout, Aïn-Sefra, Aïn-Sfisifa, Moghar-Tahtani et Moghar-Foukani ; l’autre, de Saïda sur Messif, les deux Chellala, Rassoul et Brezina. Toute la région montagneuse des Ksour du sud-ouest fut ainsi parcourue, et c’est tout au plus s’il y eut çà et là quelque échange de coups de fusil.


IV

En vérité, le maréchal Bugeaud avait lieu d’être fier et satisfait de son œuvre ; car il avait, dans toute la force du terme, refait la conquête de l’Algérie ; cependant il était mécontent, plus mécontent même qu’en 1845, avant la grande insurrection. Le gouvernement lui avait refusé l’autorisation d’aller rechercher et détruire, dans les montagnes du Maroc, la deïra d’Abd-el-Kader. Il se plaignait de ce refus : « Si la deïra se recompose, disait-il, si l’Algérie est encore menacée d’une invasion, mon opinion est qu’il faudra frapper sérieusement sur les grandes tribus de la frontière qui entretiennent ce Coblentz menaçant pour le repos de l’Algérie. »

Cette mémorable campagne de 1846, si active et si pénible, mais si décisive, on n’en avait compris en France ni la difficulté ni l’importance ; comme il n’y avait pas eu d’actions d’éclat, on l’avait prise en dédain. Dans les chambres, à la tribune et surtout dans les couloirs, mais plus encore dans la presse, il n’était sorte de critiques malveillantes dont la conduite du maréchal n’eût été l’objet ; l’acharnement de certains journaux contre lui n’avait jamais été plus cruel. On attaquait violemment son « détestable système de guerre ; » à quoi il répondait ironiquement : « N’était-on pas beaucoup plus habile quand on se traînait péniblement et en grosse masse entre Alger, Médéa et Miliana, en recevant des milliers de coups de fusil en allant et en revenant ? » Cette riposte allaita l’adresse de Changarnier, qui était, selon toute apparence, l’inspirateur et l’instigateur des censures soi-disant militaires.

Enfin, le maréchal voyait grandir l’influence de La Moricière, et les idées de son lieutenant, absolument contraires aux siennes, faire