la sécurité sociale, l’ordre, l’avenir de la nation. Pour achever la démonstration[1], je voudrais dire comment elle a été résolue ailleurs, dans ces capitales du monde civilisé qui, selon l’expression de M. A. Cochin, tiennent dans le mouvement de la civilisation la place des principales planètes dans le système général du monde. La France n’a plus la prétention de donner des leçons aux autres peuples et de n’en recevoir jamais : depuis dix-huit ans, nos orateurs s’évertuent à citer l’étranger, nos législateurs s’inspirent de ses institutions : ici encore, sans se condamner à une servile imitation, peut-être trouverait-on quelques points de comparaison à signaler, des exemples à méditer, peut-être pourrait-on profiter des expériences des autres? l’éclectisme a du bon, en politique comme en philosophie, et vaut mieux, en tout cas, que les systèmes absolus qui partent d’une formule pour aboutir à une absurdité.
En France, l’intervention centrale demeure confiée à l’exécutif; en Angleterre, elle appartient au parlement. Quant à ce dernier, aucune charte, aucune constitution ne définit ses pouvoirs, qui ont un caractère universel : religieux, administratifs, judiciaires, législatifs. La royauté elle-même s’est adressée à lui pour l’investir des attributions les plus étendues ; il a déposé, flétri des reines, modifié plusieurs fois l’ordre de succession, il s’est transformé en concile, a fondé l’église anglicane, lui donnant ses dogmes, ses privilèges, sa richesse. De là cet adage célèbre, qu’il peut tout faire, sauf d’un homme une femme et d’une femme un homme. Le parlement anglais est dictateur, l’état c’est lui, mais il représente le pays et l’opinion publique, et s’il décrète des lois pour tout le royaume, le pouvoir central n’en suit pas en général l’exécution ; ses fonctionnaires remplissent d’ordinaire des fonctions non rétribuées par le trésor public, et n’ont pas de supérieur administratif qui les dirige, les récompense ou les punisse. Aussi, le lien hiérarchique demeure-t-il très faible entre l’état, les comtés, les bourgs, les cités, les paroisses, et chaque administration forme-t-elle en quelque sorte un centre particulier. Suivant les circonstances, on voit le parlement retirer à la paroisse, au comté l’une ou l’autre de ses attributions, la charité, l’état civil, la police[2], pour en investir
- ↑ Voir, dans la Revue du 15 septembre 1888, l’étude intitulée : le Régime municipal de Paris.
- ↑ Voir sur le régime municipal de Londres : Augustin Cochin et Arthur Raffalowitch (Revue des Deux Mondes, 1er juin 1870 et 1er juillet 1882); Gneist, la Constitution anglaise; — Fisco et Van der Straeten, les Taxes locales en Angleterre ; — Paul Leroy-Beaulieu, l’Administration locale en Angleterre; — Yves Guyot, l’Organisation municipale de Paris et de Londres; — Bulletin de la Société de législation comparée, année 1881, étude de M. Dehaye; — Laugel, l’Angleterre politique et sociale ; — Reports of the Metropolitan Board of Works, 1884-1885-1886. Ces rapports m’ont été très gracieusement communiqués par lord Magheramorre et M. de La Hooke. MM. Nicholas Herbert et Jenkin viennent aussi de publier un commentaire très approfondi sur le bill de 1888. Votée pour complaire au parti radical, cette loi, sous le nom de County councils et de Boroughs countys, organise en Angleterre des conseils généraux. L’administration des comtés appartenait auparavant à la gentry, aux juges de paix, désignés par la couronne; ils gardent leurs attributions judiciaires, mais leurs attributions purement administratives passent aux conseils généraux. Ceux-ci se composeront de conseillers de comté, élus pour trois ans par les ratepayers, électeurs censitaires, et d’aldermen de comté, choisis pour six ans par les conseillers de comté. La métropole devient le comté de Londres.