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l’ombre. Comme le prince du conte persan, nous retomberons peut-être sur un lit de roses, mais nous pourrions bien rouler sur un tas de cailloux. »

Les conseillers municipaux, au nombre de 120, sont élus pour trois ans, renouvelables par tiers, exercent gratuitement leur mandat. Les séances sont publiques; l’assemblée arrête elle-même son règlement, fixe le nombre et la date de ses séances, s’immisce dans les moindres détails de l’administration, désigne tous les agens rétribués, les révoque, choisit parmi ses membres, et sous réserve de l’approbation impériale, le bourgmestre ; celui-ci touche 34,000 francs. Elle soulève contre l’état une foule de conflits, « et l’on s’y sent parfois plus près de Paris que de Berlin. »

Le magistrat est un comité de vingt-cinq fonctionnaires, nommés à vie, payés de 6,000 à 12,000 francs, choisis dans l’ordre des légistes; il dirige les services de la ville, à l’exception de la comptabilité. De plus, les électeurs, divisés encore par tiers, désignent dans chacun des dix districts un comité de dix-huit membres, administration locale chargée d’exécuter les ordres du bourgmestre et du magistrat, de défendre les intérêts de son quartier.

Le magistrat viennois n’est qu’un comité de fonctionnaires légistes ; le bourgmestre appartient au conseil municipal, passe son temps à présider les séances, oh son influence s’émousse à la longue; le magistrat berlinois est un collège échevinal, « un corps homogène où se fondent les talens juridiques, administratifs et scientifiques, et qui, fort de ses traditions, de la confiance de l’assemblée, de ses communications permanentes avec l’opinion publique, imprime aux affaires de la ville une direction plus sûre, plus méthodique ; » le bourgmestre berlinois est indépendant du conseil municipal et conserve mieux son prestige. Cependant l’agrandissement de Vienne, la régularisation du Danube, l’adduction d’une eau excellente qui a fait tomber aussitôt le niveau de la mortalité, un nouveau cimetière, un marché central des bestiaux, les magasins généraux, des écoles nouvelles, tant d’autres bienfaits réalisés en peu d’années, témoignent en faveur d’une municipalité librement élue (ainsi s’intitule-t-elle dans ses documens), qui va peut-être un peu trop vite au bout de son autorité, mais dont l’activité, l’énergie et la persévérance laborieuse compensent largement les travers.


IV.

En 1870, M. Augustin Cochin signalait, ici même, des traits communs à toutes les capitales : accroissement de la population, nouveaux travaux, nouvelles taxes, emprunts fréquens, dettes grossissantes, les affaires de ces villes géantes revêtant parfois le caractère