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plication du jeu des muscles d’un quadrupède pour mouvoir les pièces articulées de ses membres ?

De quelque côté qu’on envisage l’organisme des cétacés, si facile en apparence à ramener au type des mammifères terrestres, on arrive à se convaincre davantage qu’il y a là, pour ainsi dire, une animalité spéciale ; plus on voit de quel faible secours la connaissance des animaux couramment soumis à notre expérimentation nous est pour éclairer les fonctions et la vie des mammifères pélagiques à figure de poisson.


IV.

On chasse le cachalot pour son huile, pour son « blanc, » dit encore blanc de baleine ou « spermaceti, » et pour l’ambre gris. Les dents, quand elles sont très grosses, sont aussi quelquefois recueillies, mais elles n’ont que peu de valeur. On extrait l’huile, comme chez les baleines, d’une épaisse couche de lard qui enveloppe tout l’animal sous sa peau. La nature du « blanc » n’est connue que depuis fort peu de temps ; celle de l’ambre est encore assez obscure. C’est au IXe siècle que des écrivains arabes, entre autres Maçoudi, dans ses Prairies d’or, nous parlent pour la première fois de l’ambre qu’on recueille flottant ou jeté au rivage, principalement sur les côtes de l’Océan-Indien, vers Ceylan et vers Zanzibar. Ils croient d’ailleurs que l’ambre est une végétation marine, comme les algues et les éponges. D’autres pensent que c’est une roche et qu’il y a des îles d’ambre. Toutefois, il est déjà question dans leurs récits d’un grand poisson tâl dans le ventre duquel on peut également trouver l’ambre, mais parce qu’il l’a avalé. On racontait d’étranges histoires de ce poisson dans les bazars de Bassora, qui était le grand marché de l’ambre, et dans les vieilles boutiques de nos droguistes d’Occident, pleines de senteurs d’épices, sous l’œil creux des crocodiles empaillés au plafond. Les marchands n’avaient pas été sans remarquer des becs crochus qu’on trouve souvent engagés dans les morceaux d’ambre ; on en avait conclu que le poisson tâl avec l’ambre mangeait aussi force perroquets, oiseau connu alors pour venir précisément des mêmes parages. C’est seulement au XVIe siècle que le naturaliste Clusius établit la véritable nature de ces becs, en y reconnaissant les pièces solides qui arment la mâchoire des céphalopodes.

Au XIIIe siècle, presque à l’époque où Albert le Grand fait pour la première fois connaître le cachalot et voit recueillir le « blanc, »