venait de construire des wagons qui assurent aux blessés un transport plus rapide et plus doux. Hélas ! la croix de Genève a beau redoubler d’efforts, elle ne pourra jamais que réparer le mal, elle est impuissante à le conjurer; car la guerre a pour alliées toutes les formes de la mort : la maladie, le froid et la famine.
Aujourd’hui, les peuples sont à l’œuvre; ils interrogent les hommes techniques, ils interrogent les savans, ils interrogent les femmes, car ils n’ignorent pas que le cœur de celles-ci est fertile en charité; chaque jour ils réalisent quelque progrès et étendent le domaine de leur action bienfaisante. Jaloux de leur suprématie, réelle ou prétendue, ils dissimulent avec soin leurs améliorations militaires, — je ferais mieux de dire leurs péjorations, si le mot était français ; — ils mettent leurs canons sous clé, cachent leurs cartouches et déguisent leurs fusils; ceci est nécessaire en des temps où la force matérielle prime encore la force morale et détermine, sinon la grandeur, du moins la prépondérance des nations. Mais il ne peut en être ainsi pour l’outillage qui sert à combattre la mort et souvent à la vaincre. Tout progrès accompli dans un dessein humanitaire, c’est-à-dire dans le dessein supérieur par excellence, doit être exposé, communiqué, au besoin commenté, afin que tous en profitent. Il a été question de créer un musée des modèles adoptés dans les différentes sociétés qui mettent en pratique les principes de la Croix rouge; le projet est toujours en suspens et n’a pas encore reçu exécution. Je le regrette. Montrer le bien que l’on peut faire, c’est propager l’envie de taire le bien. En matière de commisération internationale, toute susceptibilité, toute vanité nationale doit s’effacer; il serait puéril d’élever des prétentions qui pourraient retarder l’institution d’une œuvre excellente. Si le musée des modèles doit être établi quelque part, c’est en pays neutre, c’est à Genève, ne serait-ce que par reconnaissance pour la ville où fut conclue la convention qui porte et glorifie son nom.
Lorsque ce musée sera installé, la France s’y tiendra en bon rang; nous sommes loin des jours de juillet 1870, et, actuellement, notre Société de secours aux blessés, égale à toute autre, est supérieure à plus d’une. Aux conférences de Genève (1883) et de Carlsruhe (1887), elle a été accueillie avec déférence et a reçu des témoignages d’estime qui n’ont point été ménagés. Ses délégués, à leur retour, lui dirent la place que les questions de philanthropie militaire tiennent dans les préoccupations des gouvernemens et des peuples; et ils « signalèrent, au point de vue de l’assistance du blessé, les grands efforts d’organisation que multiplie dans tous les rangs, sous le patronage des chefs d’état, le patriotisme le plus clairvoyant. Ils insistèrent sur ces progrès dans une mesure dont notre émulation n’a pas à s’alarmer, mais qui, pourtant, doit nous