manteau en paillasson qui leur donne l’air de porcs-épics, — Et je rebrousse chemin, sous un vrai déluge, pour aller demander l’hospitalité à quelques amis de la légation de France, en attendant l’heure de reprendre la route d’Yokohama par le train du soir.
Ils habitent, ces amis, dans des maisons japonaises. Et ma journée se passe, chez l’un ou chez l’autre, à causer et à attendre, en séchant devant leurs réchauds de bronze ma tenue de gala toute mouillée. Elles sont mortelles, ces habitations japonaises, par une pluie de novembre : bien basses de plafond ; bien isolées de la rue par de bizarres jardinets sans fleurs, tout en petites pelouses et en petits rochers; bien mesquines et toujours divisées, par des panneaux de papier à glissières et à trucs, en une série de pièces lilliputiennes, de plus en plus sombres à mesure qu’on s’éloigne de la vérandah par où vient la lumière. Et une si triste lumière! Un demi-jour terne, blafard, glacial, filtrant à travers ces carreaux de papier qui font l’office de vitres. Naturellement, on ne distingue rien du dehors à travers ces carreaux-là, — mais on l’aime encore mieux, je crois, que de voir tomber toute cette eau sur les petits tertres ruisselans, sur les ravins en miniature, les petits ponts de poupée, les petits arbres, toutes les mièvreries du jardin.
En vérité, ces nattes blanches sur le plancher vous font geler, — et aussi ce bois blanc partout, ces minces murailles de papier blanc, cette absolue nudité du gîte. Alors on s’assied bien près, bien près du grand réchaud lourd, qui pose sur un trépied de laque et dont les anses représentent des monstres : là-dedans brûle un charbon provenant d’un arbre spécial, qui a la propriété de ne s’éteindre jamais, mais qui chauffe sans gaîté et répand une indéfinissable senteur endormante.
Et c’est long, toute une journée passée ainsi, jusqu’à l’heure d’un train de retour qui part très tard ; c’est long surtout pour moi qui avais rêvé l’impératrice et ses chrysanthèmes. Voici même que mon désir de voir cette femme s’accroît d’une manière obstinée assez singulière, dans la séquestration de cette après-midi pluvieuse, et tandis que l’occasion unique semble m’échapper... S’il pleut le 10, la fête est supprimée. Mon Dieu, pourvu qu’il ne pleuve pas !
Le 10, le jour se lève calme, tiède, trop tiède même pour la saison, et uniformément voilé d’un crêpe gris. Pourtant le Fusiyama — (ce grand cône volcanique, solitaire, que, depuis des siècles, les Japonais dessinent au fond de tous leurs paysages), — laisse voir là-bas, tout au loin dans le ciel, sa jointe neigeuse. Et c’est un proverbe nippon que, si le Fusiyama s’est montré le matin, il fera beau jusqu’au soir.