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c’était assez pour réveiller tous les dissentimens intestins et pour précipiter une crise née d’une situation depuis longtemps troublée. Le fait est qu’à travers ces confusions, le ministère est tombé dans un complet désarroi. Le ministre de la guerre, le général O’Ryan, s’est retiré un des premiers, et il a été suivi par le ministre des finances, M. Puigcerver, qui a contre lui tous les protectionnistes, aussi nombreux parmi les libéraux que parmi les conservateurs. M. Alonso Martinez, un des principaux représentans de l’élément modéré, n’a plus voulu rester au pouvoir, et le ministre de l’intérieur, M. Moret, quoique démocrate d’opinion, a cru devoir aussi se retirer. Si le président du conseil et les autres ministres ont donné leur démission, c’est pour la forme. M. Spgasta, qui est accoutumé à voir les hommes changer autour de lui et qui ne paraît pas avoir perdu la confiance de la régente, s’est aussitôt mis à l’œuvre ; il paraît avoir refait un ministère où il a gardé quelques-uns de ses collègues, le marquis de la Vega y Armijo, M. Capdepon, l’amiral Rodriguez Arias, — où il a appelé en même temps quelques hommes nouveaux, M. Venancio Gonzalez, M. Becerra, le général Chinchilla, qui est d’ailleurs un partisan des projets du général Cassola, le comte Xiquena, ancien gouverneur de Madrid.

C’est un ministère nouveau, si l’on veut, et c’est toujours le même ministère, puisque c’est toujours le même président du conseil. C’est un remaniement de plus, un nouveau relai avec le même cocher. Et maintenant il resterait à savoir dans quelle mesure ce ministère remanié ou renouvelé répond à la situation embrouillée de l’Espagne. Évidemment M. Sagastane sort pas fortifié de la dernière crise ; il n’a aujourd’hui ni une position plus nette ni une politique plus saisissable. Il reste plus que jamais dans des conditions difficiles entre les radicaux qu’il ne satisfait pas, qui le lui feront payer un jour ou l’autre, et les conservateurs, les constitutionnels, qui se réuniront pour combattre des réformes que les uns et les autres jugent dangereuses. La seule force du président du conseil est dans une habileté évidente à manier le parlement et dans la division des partis. Avec cela on se tire d’affaire un jour de crise ; mais cela ne suffit pas pour assurer, avec la sécurité des institutions, la paix de demain à l’Espagne.


Ch. de Mazade.