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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/414

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année, la masse de terre et de vase qu’il faut déplacera nouveau pour le nettoyage des fossés s’élève au tiers des déblais primitifs. Pour ces travaux énormes, il faut beaucoup d’argent et les bras de la population tout entière. Le labeur du fellah ne suffisant en moyenne que pour le déplacement journalier d’un demi-mètre cube de terre, de trois quarts de mètre au plus dans les circonstances exceptionnelles, c’est par dizaines de millions qu’il faut compter les journées de travail. En 1872, Linant de Bellefonds évalue à 450,000 hommes le nombre des travailleurs employés chaque année pendant une moyenne de deux mois au curage des eaux d’été, et chaque fellah doit en outre s’occuper de nettoyer les canaux nili de sa commune, ainsi que la rigole qui porte l’eau à son propre champ. Il a encore à entretenir les digues avec soin et même à les exhausser, pour éviter un désastre effroyable si la crue est malheureusement hors de ses limites habituelles.

Les terres d’Égypte, même lorsqu’elles ne sont ensemencées que tous les trois ans avec l’arbuste à coton, s’épuisent comme les terres à froment si elles ne sont pas fécondées. Or, le limon du Nil, à peine suffisant quand il s’agit de la culture des céréales, est tout à fait insuffisant pour leur restituer les forces perdues. Il faudrait, tous les ans, y mettre de riches engrais, et, je répète à ce sujet ce qui m’a été dit, c’est qu’il en résulte un grand péril pour l’avenir de l’Égypte. Il est certain que les terres qui ne sont pas amendées d’une façon ou d’une autre produisent de moins en moins, que la qualité du coton décroît, et qu’il est à craindre que ce produit ne donne plus aucun bénéfice.

Les statistiques manquent pour connaître ce que l’Égypte produit en blé, en orge et en fèves. Mais on est renseigné pour le coton : il représente les deux tiers environ du produit de la culture directe ; et, en dehors de la Basse-Égypte, on trouve que 4,500 feddans de terre dans la province de Gizeh, 30,000 dans la province de Beni-Sout, 105,000 dans l’oasis du Fayoum et 6,500 dans la province de Minieh sont livrés aux cotonniers. En se fondant sur ces chiffres, on peut calculer la superficie cultivable de ce végétal à 2,794,959 feddans. En supposant que, conformément aux règles de l’agriculture bien entendue, on n’en cultive par an que le tiers, on trouve que la moyenne est de 931,651 feddans. Le feddan est de 2,400 mètres carrés.

Tout le coton est expédié hors d’Égypte, et il en sort annuellement de 29 à 30 millions de kilogrammes. J’ai vu, à Boulaq, des sébiles pleines de grains de blé trouvés dans les cercueils des momies. Je n’y ai pas vu de riz, et il est à peu près certain que cette graminée n’est venue en Égypte qu’avec les Arabes. Sous la