Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
437
LE TESTAMENT DU DOCTEUR IRNERIUS.

là-haut dans les airs. Sauf ce peu de mouvement, tout se taisait dans la ruelle.

Soudain, le silence fut interrompu par le roulement d’une voiture, qui s’arrêta devant notre maison. Je m’étais écarté de la fenêtre. Assis sur un vieux sofa, je prêtais l’oreille à tous les bruits. Des portes s’ouvraient et se refermaient. Les pas de Franz retentissaient dans les couloirs, en même temps que d’autres plus légers. Et puis, d’autres encore, plus lourds, comme si l’on descendait des bagages. Ensuite, des pas traînant lentement.

Et moi, je m’approchai de la fenêtre, attiré malgré moi. Franz, aidé du cocher, souleva l’oncle Irnerius et le plaça dans la voiture. Il ne leva pas les yeux ; il gémissait, et, de ses mains crispées, il s’accrochait à son domestique. Franz s’assit à ses côtés, le cocher ferma la portière, et la voiture s’éloigna avec un roulement sourd et morne. Les vitres tremblèrent, le pavé de la rue résonna. Sur le seuil de la porte se tenait une vieille femme vêtue très proprement, et que je n’avais pas aperçue jusqu’alors. Quand la voiture se fut éloignée, elle rentra dans la maison et referma la porte sur elle.

Alors, le chant recommença, et je ne m’aperçus qu’à ce moment que le jeune menuisier s’était tu, que la jeune fille, derrière les pots de fleurs, avait regardé, et qu’un petit garçon, une cruche à la main, s’était arrêté. Puis tout disparut et la rue retomba dans son silence habituel. Je respirai profondément et sortis de ma chambre. Dans le couloir, la porte de la chambre de mon oncle était toute grande ouverte, et la vieille femme, que j’avais vue tout à l’heure par la fenêtre, se tenait sur le seuil. Elle me fit une solennelle révérence.

— J’allais monter chez monsieur, dit-elle en lissant son tablier. Je suis la sœur de Franz ; c’est moi qui ferai le ménage de monsieur, s’il me le permet.

Elle allait continuer de parler, mais un gémissement prolongé vint l’interrompre. Je jetai un regard dans la chambre, et je vis le pauvre vieux Médor, qui était sorti péniblement de dessous le fauteuil. Il bâillait, flairait et se plaignait faiblement.

J’étais désormais chez moi et seul dans ma nouvelle habitation.

V.

La chambre était empourprée par les rayons du soleil couchant, qui jetait des reflets criards, rouges, fantastiques sur les murs, sur les meubles brunis et sur le portrait. J’étais assis devant la table de travail, que j’avais fait porter dans le cabinet de mon oncle. Devant