Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/750

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
HEURES DE LECTURE
D’UN CRITIQUE

WILLIAM COLLINS.

Les plus récentes écoles de géologie nous ont appris que, contrairement à ce que croyaient les plus anciennes, la nature dans ses évolutions procède plutôt par transitions insensibles que par brusques changemens ou cataclysmes subits. Pas plus que dans la nature, il n’y a dans le domaine des choses de l’esprit de révolutions imprévues ou soudaines, et le poète qui fait le sujet de ces pages en est une preuve intéressante et curieuse. En 1746 parut à Londres un tout petit volume d’odes signées du nom de William Collins. Le livre n’eut absolument aucun retentissement, et ne fut connu que de quelques lettrés, dont la plupart en jugèrent froidement, même lorsqu’ils en constatèrent le mérite, et négligèrent en conséquence de le recommander au public. Cette obscurité où le nom du poète resta enseveli toute sa vie continua si longtemps après sa mort, que, vers la fin du siècle, le plus illustre poète de l’époque, William Cowper, écrivant à un ami, demandait ce qu’était un certain Collins dont il venait de trouver le nom dans les biographies de Johnson. Pour obtenir la place petite, mais légitime, qui lui était due, il lui fallut attendre que l’inspiration romantique eût renouvelé complètement la poésie anglaise avec Coleridge, Southey, Wordsworth, Walter Scott ; alors à cette longue obscurité succéda