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abondent en brillans faits d’armes. Pour les deux partis en lutte, les batailles de la guerre de sécession sont de beaux titres de gloire et d’honneur militaires. Elles ont révélé par le talent, la persévérance et la hardiesse des chefs, ainsi que par le dévoûment, l’énergie et le courage des soldats, toutes les qualités guerrières propres aux grandes races. Le prestige des généraux victorieux les a fait choisir comme présidons. Mais la république américaine tient surtout an titre de démocratie pacifique, et ne fait des conquêtes qu’en rougissant.

Il convient de signaler aussi les progrès de la littérature et de la presse depuis trente ans. Au milieu de la mêlée quelque peu brutale des affaires, des entreprises et de la course au dollar, la science et la poésie même ont su se faire une place honorée. Pendant que les vieilles familles gardent les respectables traditions anglo-saxonnes, les nouvelles se débarrassent des travers reprochés jadis au sans-gêne transatlantique, et s’initient en voyage aux raffinemens de ce qui reste en Europe des bonnes façons d’autrefois. Le camp féminin arbore et maintient brillamment le standard de la distinction et de la grâce mondaines at home et à l’étranger. Le goût se développe. Nos œuvres et nos objets d’art, anciens ou modernes, de la meilleure marque, s’en vont trop vite à notre gré, emportés par de vrais connaisseurs dans ce Nouveau-Monde où se forme une aristocratie non-seulement d’argent, mais encore d’élégance, floraison imprévue d’une démocratie qui en témoigne déjà quelque humeur.

C’est surtout à célébrer la prospérité matérielle et l’habile exploitation des ressources de leur pays que s’attachent les panégyristes américains. Parmi leurs plus bruyantes manifestations retentit la note dominante du livre de M. Carnegie, le Triomphe de la démocratie[1]. Ce petit volume, grand par l’orgueil patriotique qui l’anime, expose avec enthousiasme l’ensemble des richesses et des progrès de l’Amérique. L’auteur n’exagère pas ce qu’il dit. Seulement il ne dit pas tout et ne montre que le beau côté des choses ; c’est son droit. D’ailleurs, pour M. Carnegie, les joies du triomphe national américain s’embellissent des satisfactions d’un triomphe personnel qui se résume dans la conquête d’une situation éminente, celle de premier métallurgiste du Nouveau-Monde. Bien que non naturalisé, et resté Anglais ou Écossais, il tient à honneur de ne pas se montrer ingrat envers sa patrie d’adoption.

On ne saurait dresser ici l’inventaire complet de tant de biens

  1. Andrew Carnegie, le Triomphe de la démocratie, ou l’Amérique depuis cinquante ans; traduction française. Paris, 1886.