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commun, sont venus fonder un collège à Jersey. Plus récemment encore, M. le Comte de Paris a reçu une fois à Jersey une députation de ses partisans venus de l’ouest de la France… Qui seront les prochains réfugiés français dans les îles normandes?


II.

C’est à son ossature de rochers fièrement dressés au-dessus des vagues les plus furieuses que l’archipel doit (comme le Mont-Saint-Michel) d’avoir survécu à sa séparation d’avec le continent. « Jersey, a dit Victor Hugo,


Jersey dort dans les flots, ces éternels grondeurs,
Et dans sa petitesse elle a les doux grandeurs !
Par le sud Normandie et par le nord Bretagne…


Guernesey, plus petite, est peut-être plus pittoresque. La douceur du climat a permis à l’homme de faire un jardin de ces enceintes de rochers, jardin potager surtout, dont les produits vont en Angleterre. De nombreuses et vastes serres donnent un raisin semblable à celui de l’Espagne ou de la Sicile. Auregny (en anglais Alderney, et en patois Ourgni) au nord-est, n’est guère qu’à trois lieues du cap de la Hague, mais cet étroit bras de mer est sillonné de courans dangereux qu’exprime bien le nom de Passage de la Déroute. Auregny, pauvre et peu peuplée, est le point le plus fortifié de l’archipel, et l’Angleterre y a une forte garnison. Au centre de l’archipel, le rocher de Serk, où l’on n’aborde que par une sorte de cou- loir d’accès difficile, en est la « perle » pour les touristes qui aiment les sites sauvages et désolés. Entre Jersey et la côte française, quelques groupes de rochers inhabités jusqu’à ces dernières années, et, par conséquent, res nullius, ont soulevé récemment quelques difficultés, surtout parce qu’il s’agissait d’exclure les pêcheurs français[1].

La population totale de l’archipel était, en 1881, de 88,000 âmes,

  1. Dans le groupe des Écrehou, à 12 kilomètres de Portbail, les premiers habitans ont été des Jersiais établis en 1852, et encore était-ce de passage. En 1886, les pêcheurs britanniques ont revendiqué un droit exclusif de pêche et « pour prévenir tout conflit, » l’amiral Peyron, ministre de la marine, a engagé les marins français de s’abstenir de pêcher aux Écrehou ; la pêche aux huîtres n’était pas comprise dans cet avis, parce qu’elle est régie par des conventions spéciales. — Aux Minquiers, où les Français pèchent concurremment avec les Jersiais, la France entretient depuis 1865, près de la pointe sud-ouest, un bateau-feu muni d’une cloche de brume, et l’hydrographie des Minquiers a été faite par la marine française. Si la stérile propriété des Minquiers devait jamais être contestée, la France y aurait plus de titres que l’Angleterre.