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peuple, il est absent et semble nul. En effet, on l’a transféré à cent ou deux cents lieues de là, aux salines de l’intérieur et des côtes, et à la frontière extérieure. — Là seulement le système est en défaut, et son vice s’étale à nu : c’est la guerre aux échanges, la proscription du commerce international, la prohibition à outrance, le blocus continental, l’inquisition de 20,000 douaniers, l’hostilité de 100,000 fraudeurs, la destruction brutale des marchandises saisies, un renchérissement de 100 pour 100 sur les cotons et de 100 pour 100 sur les sucres, la disette des denrées coloniales, les privations du consommateur, la ruine du fabricant et du négociant, les faillites accumulées coup sur coup en 1811 dans toutes les grandes villes, depuis Hambourg jusqu’à Rome[1]. Mais ce vice tient à la politique militante el au caractère personnel du maître ; dans son régime fiscal, l’erreur qui corrompt la partie externe n’atteint pas la partie interne ; après lui, sous des règnes pacifiques, ou l’atténuera par degrés ; de la prohibition, on passera à la pi élection, puis, de la protection excessive, à la protection limitée. Au dedans, avec des perfectionnemens secondaires et avec des corrections partielles, ou restera dans la voie tracée par le Consulat et l’Empire ; c’est que, dans toutes ses grandes lignes, par la pluralité, l’assiette, la répartition, le taux et le rendement des divers impôts directs ou indirects, la voie est bien tracée, droite et pourtant accommodée aux choses, à peu près conforme aux maximes nouvelles de la science économique, à peu près conforme aux maximes antiques de la justice distributive, orientée soigneusement entre les deux grands intérêts qu’elle doit ménager, entre l’intérêt du contribuable qui paie et l’intérêt de l’Etat qui reçoit.

Considérez, en effet, ce qu’ils y gagnent l’un et l’autre. — En 1789, l’Etat n’avait que 475 millions de revenu ; ensuite, pendant la Révolution, il n’a presque rien touche de son revenu ; il a vécu des capitaux qu’il volait, en vrai brigand, ou des dettes qu’il faisait, en débiteur insolvable et de mauvaise foi. Sous le Consulat et dans les premières années de l’Empire, il a de 750 à 800 millions de revenu, il ne vole plus les capitaux de ses sujets et il ne l’ait plus de dettes. — En 1789, le contribuable ordinaire payait par l’impôt direct à ses trois souverains anciens ou récens, je veux dire au roi, au clergé, aux seigneurs, plus des trois quarts de son revenu net. Après 1800, c’est moins du quart qu’il paie à l’Etat, souverain unique qui remplace les trois autres. Ou a vu le soulagement de l’ancien taillable. du campagnard, petit propriétaire, de l’homme sans propriété, qui fit de son travail manuel : l’allégement de

  1. Thiers, XIII, p. 20 à 55.