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Anges musiciens « sont d’admirables poèmes de grâce féminine, religieux et charmans comme les anges de Fra Angelico. »

Nous n’aurons plus l’occasion de retrouver la miniature ni la fresque dans ce rapide examen de la peinture allemande primitive. La miniature, après son merveilleux éclat du XIVe siècle, ne devait pas tarder à être remplacée par un genre plus populaire, plus capable de répandre partout les émouvantes images : la gravure sur bois. Quant à la fresque, les difficultés qui l’avaient entravée au XIVe siècle n’ont fait depuis que s’accroître. Dès la fin de ce siècle, il n’y a plus trace de fresques importantes dans les églises de l’Allemagne. En revanche, à partir de l’an 1350 environ, les chapelles se tapissent de tableaux, les autels se couvrent de triptyques ; la peinture à la détrempe sur bois, la peinture de tableaux, tantôt seule, tantôt associée à la sculpture peinte, prend la place de la peinture à fresque. L’art des peintres allemands a trouvé désormais sa forme définitive.

Les historiens s’accordent à répartir tous les tableaux de cette première période, qui va de 1350 à 1400, en trois catégories, correspondant à trois écoles : l’école de Prague, l’école de Nuremberg et l’école de Cologne. Il nous est cependant impossible de nous arrêter sur les deux premières de ces écoles. L’école de Prague, développée dans cette ville vers le milieu du siècle sous l’influence de l’empereur Charles IV, ne nous apparaît pas comme une école purement allemande. Dans les tableaux de la chapelle de la Croix, à Karlstein, dans le Christ en croix et les deux Apôtres du Musée de Vienne, provenant de la même chapelle, dans tous ces remarquables ouvrages du maître bohémien Théodorie, nous découvrons un réalisme précis et vigoureux, une entente de la composition pathétique, une habileté de dessin et de technique qui prouvent combien a été vive, sur le peintre de Prague, l’influence des artistes italiens mandés par Charles IV à sa cour. Les énormes figures des apôtres, surtout, n’ont rien d’allemand : ces visages, pleins et ronds, ces larges épaules, ces traits exprimant la force et la décision bien plus que le recueillement religieux, le soin apporté au rendu des accessoires, l’experte ordonnance des couleurs s’harmonisant avec les fonds d’or, rien de tout cela ne semble venir de l’inspiration allemande ; rien, en tout cas, ne s’en retrouvera dans la suite de l’art allemand.

lin revanche, les rares peintures nurembergeoises du XIVe siècle, dont la plus remarquable est le célèbre tableau d’autel de la famille Inihof, au Musée germanique, ne nous semblent pas échapper suffisamment à l’influence de l’école de Cologne pour mériter une étude spéciale. Le réalisme y est bien un peu plus accentué ; le souci de