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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/862

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En résumé, 300,000 Indiens, plus ou moins fixés au sol, sont éparpillés entre New-York, et San-Francisco. Ces sauvages, entraînant avec eux le bison, reculèrent longtemps devant le flot des immigrans européens. Mais, aujourd’hui, leur mouvement subit un arrêt ; chaque tribu se meut dans des enclaves mesurées par le gouvernement fédéral. L’application graduelle et méthodique de la loi de partage du 8 février 1887 achèvera de conduire la plupart des indigènes à l’état le plus rapproché de la civilisation et constituera les réserves en véritables pépinières de citoyens américains.

Reprenant la classification établie plus haut, nous dirons, en ce qui concerne les Cinq Nations, que les agens constatent de sérieux progrès dans la culture de la terre, l’instruction publique et l’art de la construction. Ces tribus, fixées maintenant au Territoire, tendent à s’accroître, au lieu de présenter la décroissance effrayante de colles qui errent dans les Montagnes-Rocheuses.

Les autres peuplades, éparpillées dans l’Ouest et le Nord, s’obstinent (surtout celles de l’Ouest) à croupir dans la barbarie, jetant sur les pionniers blancs des regards pleins de haine et « vieillissant dans une éternelle enfance. » Bien que les Américains laissent à ceux-ci la grâce de vivre, l’alcool fait parmi eux de tels ravages, qu’ils paraissent devoir subir le sort des Maoris océaniens, c’est-à-dire disparaître dans un avenir prochain. Le temps poursuit son œuvre, comme l’Indien le bison : dédaigneux des lumières de la civilisation, les Peaux-Rouges de cette catégorie n’échapperont pas à la loi et céderont la place aux représentans de la famille caucasienne. Déjà peut-être serait-il à propos d’appliquer à ces tribus du Far-West le mot du sénateur Elliot : « Il n’en restera bientôt plus assez pour nous indiquer où sont les tombeaux de leurs pères et pour raconter comment leur triste race a disparu. »

Le trait dominant de la politique américaine à l’égard des Peaux-Rouges, c’est la diminution constante de la superficie des réserves et la colonisation des terrains devenus vacans, non point par d’autres peuplades rouges, mais par des blancs. Après avoir groupé les tribus dans des territoires séparés, le gouvernement fédéral leur achète des terrains de loin en loin, et ces achats successifs diminuent considérablement l’étendue de leur domaine. Enfin, l’Allotmenl Act achève de les réduire à la portion congrue. D’après les termes de cette loi, chaque homme rouge reçoit le lot de terre que, raisonnablement, il est capable de cultiver. On arpente les réserves, on les mesure, et ces opérations ont encore pour résultat, sinon pour but, de diminuer l’étendue des terres indiennes ; les nouveaux terrains rendus ainsi disponibles sont ouverts à la colonisation des settlers.