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« avancés » ou « les patriotes, » de l’autre, les « rétrogrades, » c’est-à-dire, suivant l’explication donnée par un journal du temps, « ces hommes qui se blottissaient dans les angles obscurs de la salle de réunion, cabalaient sourdement et avaient fait de la commune une nouvelle académie. » En vain, les prétendus conspirateurs s’étaient-ils soumis de bonne grâce aux exigences des « avancés ; » en vain, sur l’injonction de ceux-ci, s’étaient-ils empressés de livrer les brevets accordés jadis par les gouvernemens et les princes étrangers, « pour que ces parchemins, monumens de l’aristocratie, fussent détruits ; » ils en avaient été pour leurs frais de conversion ou de désintéressement extérieur. Aux yeux de David et des réformateurs de son espèce, le passé pesait sur eux d’un poids trop lourd pour leur permettre de marcher résolument dans les voies qu’on appelait alors celles de la liberté et qui ne tendaient en réalité qu’à l’abdication de tous entre les mains d’un seul. L’œuvre était donc à recommencer. Puisque la commune des arts n’avait abouti qu’à l’anarchie, il fallait bien renoncer à continuer une expérience désormais condamnée pour tenter quelque expérience nouvelle. C’est ce qui eut lieu dans des conditions plus libérales en apparence, au fond avec des arrière-pensées tout aussi contraires à l’indépendance individuelle et au libre exercice des droits acquis ou des facultés de chacun.

Transformée en Société populaire et républicaine des arts, la commune, en effet, ne fit guère que changer de titre. L’esprit de tolérance et de vraie confraternité n’inspira pas plus les organisateurs de la nouvelle société qu’il n’avait régné entre les membres de l’ancienne. Il y eut même progrès dans le sens de la désunion, la nécessité s’étant fait sentir, pour sauvegarder à l’avenir les intérêts de l’art et des artistes, d’un « creuset épuratoire dont le feu sans cesse entretenu écarterait les faux patriotes. » Aussi lorsque la députation de la Société populaire et républicaine des arts fut admise pour la première fois à la barre de la Convention (28 nivôse 1793), celui qui portait la parole en son nom, le citoyen Bien-aimé, architecte, ne manqua-t-il pas, dès les premiers mots de son discours, de célébrer comme il convenait les bienfaits de ce procédé d’élimination : « La Société populaire et républicaine des arts composée d’hommes libres, dit-il, ne reçoit maintenant dans son sein que des citoyens d’un patriotisme épuré. » Et pour que le progrès ainsi obtenu pût se confirmer et s’étendre encore, il ajoutait cet appel direct au zèle et à la persévérance des « courageux montagnards » de l’assemblée : « vous avez détruit tous les ridicules monumens qu’éleva le sot orgueil de la tyrannie… Mais, pour que les efforts des sciences et des arts ne soient pas étouffés, il est encore un monstre que vous devez abattre : c’est l’intrigue… Que