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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/382

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d’éligibles. Aussi, pour mettre en train les choses, le directoire exécutif prit-il le parti de créer, par deux arrêtés successifs en date du 20 novembre et du 6 décembre 1795, quarante-huit membres fondateurs, pour ainsi dire, qui devaient, une fois nommés, en élire quarante-huit autres ; après quoi ces quatre-vingt-seize membres auraient à désigner d’un commun accord ceux qui, dans les diverses classes, compléteraient le personnel de l’Institut. La troisième classe, pour sa part, reçut du gouvernement l’ordre de se constituer avec les seize membres qu’il venait de nommer et dont les artistes formaient la moitié. Ces huit artistes hors concours dès le début, ces huit « anciens, » comme on les aurait appelés un siècle et demi auparavant, étaient : dans la section de peinture, David et Van Spaendonck ; dans la section de sculpture, Houdon et Pajou ; dans celle d’architecture, Gondoin et de Wailly ; enfin, dans la section de musique et de déclamation. Méhul et Molé.

Sauf les deux derniers qui ne pouvaient avoir aucun précédent académique, puisque les arts qu’ils représentaient l’un et l’autre étaient pour la première fois admis à partager les privilèges officiels exclusivement réservés jusqu’alors aux arts du dessin, tous les artistes choisis par le directoire avaient appartenu soit à l’Académie royale de peinture, soit à l’Académie d’architecture. D’ailleurs, à l’exception de Van Spaendonck que son agréable talent comme peintre de fleurs n’élevait pas en réalité au niveau des maîtres dont on semblait ainsi le proclamer l’égal, tous s’imposaient aux préférences des chefs de l’état par la notoriété de leurs noms et de leurs œuvres. Quelques souvenirs, par exemple, que l’on dût garder, dans le monde des Thermidoriens aussi bien que dans l’ancien monde académique, du rôle joué par David durant les années précédentes et quelques ressentimens que ces souvenirs justifiassent, on ne pouvait méconnaître, même avant l’apparition du tableau des Sabines[1], la haute valeur personnelle du peintre des Horaces, de Brutus et de la Mort de Socrate, encore moins l’influence toute-puissante qu’il exerçait sur la jeune école. Il était donc tout naturel que son nom figurât un des premiers sur la liste des artistes destinés à former le noyau des diverses sections de la troisième classe, et que, malgré la défaite du parti politique qui l’avait compté parmi les siens, l’ex-député de Paris conservât aux yeux de tous le prestige qu’il s’était acquis par son talent.

David, au reste, dès le lendemain du 9 thermidor, n’avait-il pas, à la tribune de la Convention comme dans ses écrits,

  1. On sait que ce tableau, le chef-d’œuvre de David, ne fut achevé et exposé qu’en