Tandis que, de 1796 à 1800, le directeur in partibus et les pensionnaires théoriques pour ainsi dire de l’Académie de. France à Home attendaient à Paris que les armes françaises eussent achevé en Italie de leur déblayer le terrain et que les traités successifs de Tolentino et de Campo-Formio eussent eu pour conséquence certaine une paix générale et durable, les routes conduisant d’Italie en France étaient activement utilisées ; elles se couvraient de chariots chargés d’objets d’art de tout genre dont le jeune général Bonaparte venait de dépouiller les villes qu’il avait soumises, pour en enrichir la capitale de son pays. Marbres antiques, tableaux des plus grands maîtres de la renaissance, médailles et pierres gravées, tapisseries à sujets et manuscrits à miniatures, — tout avait été impitoyablement enlevé ; et pendant que cet inestimable butin était dirigé vers Paris, à un autre bout de la France nos frontières, allaient s’ouvrir pour livrer passage aux caisses dans lesquelles étaient renfermés, avec la même destination, les plus précieux tableaux de la Belgique et de la Hollande. Bientôt le tout affluait au Louvre, trop petit pour contenir ces innombrables richesses, ou du moins pour leur assurer des places également en lumière et en vue. Il fallut se résigner à l’obligation de faire un choix entre tant de chefs-d’œuvre et se contenter, faute d’espace, d’exposer seulement les plus universellement renommés ; mais, avant de les installer sous le toit qui devait désormais les abriter, on résolut de les promener solennellement dans Paris, tant pour éblouir les regards de la foule par l’éclat d’une fête que pour avoir raison des objections qu’avait soulevées, même dans le monde des artistes, la première annonce des projets de spoliation.
La question, en effet, avait été dès l’année 1796 publiquement discutée, tant au point de vue des intérêts de l’art qu’au point de vue des principes généraux et de la morale politique. Dans une brochure intitulée : Lettres sur le préjudice qu’occasionnerait aux arts et à la science le déplacement des monument de l’art de l’Italie, Quatremère de Quincy s’était efforcé de plaider une double cause : celle des anciens maîtres dont les œuvres perdraient certainement une partie de leur éloquence et de leur influence féconde en apparaissant hors de leur milieu naturel, — et celle des peintres français eux-mêmes qui, une fois en possession de ces monumens de l’art italien, ne seraient en mesure d’en étudier et d’en comprendre que la lettre. « C’est une folie, écrivait-il, de s’imaginer qu’on puisse jamais, par des échantillons réunis dans un magasin de toutes les écoles de peinture, produire l’effet que produisent ces écoles dans leur pays. » Et ailleurs : « Ces statues antiques, ces peintures ainsi dépaysées, arrachées à toutes les comparaisons qui on rehaussent la beauté, perdront sous un ciel étranger la vertu