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ici avec éclat, et Sa Majesté aime mieux que vous les rapportiez vous-même, ce que je ne saurais trop vous exhorter à faire le plus tôt qu’il vous sera possible, mais je juge par le silence que vous gardez avec nous sur ce point, que vous êtes bien aise de nous surprendre agréablement. »

Effectivement, il n’était plus question ni de la difficulté de voyager, ni de l’attente du carrosse qui était toujours à Gand en construction ; mais plusieurs semaines furent encore nécessaires pour disposer les troupes de manière à garantir la ville occupée contre un retour offensif des alliés. Enfin, le 11 mars, tout étant prêt, le vainqueur se mit en route ; sa rentrée en France fut un véritable triomphe. Dans les moindres bourgades, on se pressait sur son passage ; à chaque relais de poste, des jeunes filles, vêtues de blanc, vinrent lui offrir des bouquets. A l’entrée de Paris, des douaniers, chargés de percevoir les droits d’entrée, voulaient visiter sa voiture. — « Que faites-vous, canailles, s’écria le préposé, est-ce que les lauriers, sont contrebande ? » A Versailles, dès que son arrivée fut annoncée, le roi se leva, fit quelques pas au-devant de lui et l’embrassa sur les deux joues ; quoique la salle fût pleine, il dit tout haut : qu’il aurait bien voulu qu’il y eût plus de monde encore pour être témoin de son compliment. — « C’est une réception, dit le chroniqueur Barbier, qui aura déplu à plus d’un seigneur de la cour. » Tout ne se passa pourtant pas en paroles : le don des grandes entrées, faveur de cour, d’un prix tout particulier, qui permettait, d’aborder le souverain à toute heure, puis l’octroi de lettres de naturalité solennelles qui rattachaient, pour la vie, le maréchal à la patrie dont il venait de porter si haut la gloire, furent des témoignages plus éclatans et plus durables de la reconnaissance royale.

Mais c’était à l’Opéra, bien plus qu’à la cour et dans ce monde de théâtre dont il était le favori dès sa jeunesse, que Maurice était sûr de trouver un accueil enthousiaste qui, là du moins, ne faisait pas de jaloux : « Le vendredi 18-, dit encore le même Barbier, M. le maréchal comte de Saxe vint à l’opéra d’Armide ; tout était plus que plein. Il avait fait retenir les deux premiers bancs du côté du roi. Plusieurs de ses aides-de-camp étaient au second banc ; M. le major des gardes françaises avait fait garder ces deux bancs par une sentinelle. Le maréchal arriva avec M. le duc de Biron, colonel des gardes, et M. le duc de Villeroy : il était entre eux, au balcon, à la troisième place… On dit que M. Berger, directeur de l’Opéra, vint au-devant de lui, lui fit compliment, et lui présenta le livre d’honneur, ce qu’il ne fait qu’aux rois et aux princes du sang. A l’arrivée du maréchal ; il y eut grands battemens de mains