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partis, entre républicains et conservateurs. Ce n’était peut-être pas encore la paix, c’était le commencement de la paix. On se plaisait à parler d’une république ouverte, libérale, tolérante et pacifique. M. le président Carnot invoquait la concorde dans ses discours, et M. le ministre de l’intérieur parlait en bon apôtre de la conciliation, sans trop se compromettre à la vérité. Que s’est-il donc produit qui ait pu interrompre, et, jusqu’à un certain point, compromettre ce mouvement sensible de pacification ? Tout simplement une de ces questions qui ont le don de raviver toutes les irritations, cette éternelle question de la laïcisation des écoles, qui, réduite à elle-même, pourrait être inoffensive, et qui, sous l’influence de l’esprit de secte, sous la pression du radicalisme, est devenue le plus dangereux élément de division et de guerre. La veille encore, avec un peu de bonne volonté, on pouvait croire la trêve possible ; le lendemain, on s’est réveillé en face de cet incident d’un petit village de la Haute-Marne, de Vicq, qui est venu prouver que rien n’était changé, que la conciliation n’était qu’un mot, que les radicaux restent encore les maîtres de la république, de la majorité, du gouvernement lui-même, réduit à se faire le complice de leurs œuvres et de leurs passions.

Voilà certainement un incident aussi mal venu qu’inattendu, qui ne serait rien par lui-même s’il n’était le signe d’une politique de secte et de guerre obstinée à survivre aux vœux de paix religieuse manifestés par le pays ! Au fond, de quoi s’agit-il ? La petite et la paisible commune de Vicq a une maison d’école qui lui a été léguée autrefois par un vieux curé de la paroisse, à la condition stricte et formelle qu’elle resterait dirigée par des sœurs. Cette école, la commune la possède sans trouble, sans difficulté depuis soixante-dix ans, et les braves sœurs qui la dirigent n’ont cessé d’être entourées des sympathies de la population tout entière. Récemment, la supérieure est morte ; aussitôt l’autorité préfectorale et l’autorité universitaire, par un excès de zèle dont se serait peut-être passé le gouvernement, tout au moins par une interprétation rigoureuse des dernières lois scolaires, se sont mises en devoir de laïciser l’école de Vicq. Vainement le conseil municipal, qui est pourtant républicain, s’est empressé d’intervenir, et parce qu’il tenait à l’enseignement des sœurs et parce que la commune était menacée de perdre sa maison d’école si elle cessait de remplir les conditions du legs dont elle profite depuis plus d’un demi-siècle. Vainement aussi les habitans se sont émus et ont protesté : on n’a rien écouté, on a décidé qu’il fallait au plus tôt laïciser ! Malheureusement, c’est ici que tout se complique. Une première fois, un inspecteur primaire s’est présenté à Vicq avec son institutrice laïque et deux gendarmes ; il n’a pu réussir à conquérir son école défendue par les habitans ; il n’a pas pu même obtenir le concours du maire qui lui a refusé son aide dans cette ingrate besogne. Une seconde tentative a été faite le lendemain avec un sup-