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L’officier qui commandait ce détachement me fit donner à manger et m’engagea à profiter de sa barque pour continuer ma route. Le soir, la brise s’étant levée, nous mimes à la voile. Vers onze heures, je crus reconnaître une pyramide qui est en face d’Elfiel, sur la rive de Nubie. Je me fis mettre à terre. J’errai à l’aventure jusqu’au jour. Je reconnus alors que j’étais à environ une lieue d’Elfiel. J’y fus bientôt, mais le camp du bataillon était vide. Je lus droit au village, fatigué de courir au hasard, aimant mieux périr que continuer ainsi, si je ne pouvais retrouver les Français.

Le premier habitant que je rencontrai était un cheik, El-Beled, que je connaissais pour lui avoir vendu un chameau. Il fut fort étonné de me voir arriver seul. Je lui dis : « Où sont les Français ? » Il me montra dans l’éloignement un nuage de poussière et répondit : — « Il y a deux heures qu’ils sont partis. »

Ce brave homme ajouta :

« — Tu vas d’abord manger quelque chose, puis je te ferai donner un cheval pour les rejoindre. Il y aurait danger pour toi si tu t’en allais à pied. »

Je partis ainsi et je rejoignis le bataillon vers midi.

Le général Rampon me témoigna beaucoup de plaisir de me revoir. Il me dit qu’on lui avait rapporté que j’avais été tué, et qu’il n’avait su le contraire que par mon patron, qui, fidèle à l’engagement pris vis-à-vis de moi, lui avait apporté les dépêches du général Berthier. Elles contenaient l’ordre de rentrer au Caire, qui avait déterminé le départ du bataillon le matin même. Cet ordre semblait destiné à me porter malheur !

Le général me fit repartir pour le Caire encore par eau. J’y arrivai le 8 octobre et mon bataillon le 9.

Nous fûmes logés à la citadelle, qui est un antique château, plus ancien selon toute apparence que le Caire lui-même. Les Français l’avaient un peu réparé et mis en état de défense.

On voit, à la citadelle du Caire, un puits très large et très profond, appelé dans le pays Bird Yussuf ou puits de Joseph. Il a près de 300 pieds de profondeur. Il est creusé dans un rocher assez tendre pour que l’on ait ménagé, dans les parois, une rampe en hélice, qui porte une galerie par laquelle on faisait descendre les animaux domestiques jusqu’au fond pour s’y abreuver.


Révolte du Caire.

Le 18 octobre, il se forma des rassemblemens en ville. Quelques piquets de cavalerie et d’infanterie suffirent pour les disperser, et leur enlevèrent un drapeau.

Le 19, la fermentation continua. Le 20, au matin, les Français,