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d’importance. Ce qu’il est surtout intéressant de constater, c’est le chiffre exact des risques que comporte la masse entière des gages. On l’obtient, en examinant d’un côté le montant des annuités arriérées, de l’autre l’importance du domaine immobilier du Crédit foncier, provenant des expropriations et ventes forcées pour défaut de paiement des annuités, et faites dans des conditions telles que l’établissement a dû racheter lui-même son gage.

Le chiffre du domaine nous donne pour ainsi dire le risque réalisé, la parcelle de sécurité perdue pour les obligataires, en termes plus exacts l’importance du déchet subi par le gage primitif. Le montant des annuités en retard nous donne au contraire le risque éventuel, la somme des chances mauvaises. Il faut d’abord constater que pour les prêts communaux, il n’y a pour ainsi dire pas de risques. Sur un total de prêts de 1,127 millions, pour lesquels l’annuité à payer s’est élevée à 66 millions en 1889, il n’y avait à la fin de cet exercice que pour 1,871,380 francs d’arriérés, et encore le 20 mars dernier ce chiffre était-il ramené à 1,471,656 francs.

La constatation n’est pas aussi complètement démonstrative en ce qui concerne les prêts hypothécaires ; elle ne laisse pas cependant d’être très rassurante. L’annuité à payer par les emprunteurs était de 49 millions en 1880, elle s’est élevée à 113 millions en 1889. Il ne faut pas oublier ces deux chiffres quand on étudie la progression, chaque année, du total des annuités en retard. Ce total était de 8 millions à la fin de 1879, il s’est abaissé à 5,655,000 francs fin 1881, mais pour s’élever rapidement, proportionnellement à l’extension des prêts, et arriver à 13 millions en 1884, à 18 en 1885, à 23 en 1887, à 24,829,000 au 31 décembre 1889.

Ce chiffre a quelque chose d’inquiétant au premier aspect. Cependant, une faible partie seulement se rapporte à des arriérés de plus d’une année. La meilleure preuve du peu de danger que recèlent ces retards est que le chiffre de 24,800,000 inscrit fin 1889, et un peu gros, il faut l’avouer, était déjà ramené à 17,256,506 fr. au 20 mars dernier, et à 13 millions environ au 20 juin : 13 millions d’intérêts en retard sur une créance dépassant 2 milliards et gagée sur un ensemble de propriétés d’une valeur double, voilà le risque éventuel pour les prêteurs du Crédit foncier ! Autant dire que ce risque est pratiquement nul. C’est dans ce rapprochement que les obligataires doivent trouver le plus sûr motif de tenir leurs titres pour bien et solidement gagés. Les choses étant ainsi au 31 décembre 1889, M. Rouvier pouvait dire hardiment que le gage des obligations était intact.

Si admirablement organisé que soit le Crédit foncier, il n’échappe cependant pas à la condition de toutes les choses humaines qui est