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que de pareils faits se produisent presque journellement dans les pays de race germanique, sans parler d’extravagances plus grandes encore en Angleterre. » M. Hamerton considère le mariage français comme une alliance entre deux positions sociales plutôt qu’entre deux personnes. On pourrait le définir un acte notarié suivi d’une marche nuptiale. Non que les Français soient précisément des coureurs de dot ; mais les considérations de fortune pèsent pour eux d’un grand poids.

Dès lors il importe peu que les personnes se connaissent avant de s’épouser. Il y a même à cela de très grands obstacles. M. Hamerton remarque que, dans la bonne société de province, « les règles pour les préliminaires du mariage sont aussi sévères que celles qui imposent l’observation du dimanche en Angleterre ou en Écosse. » La conclusion humoristique des exemples qu’il cite, c’est que l’idéal serait de demander la main d’une personne qu’on n’a jamais vue. Ils se sont rencontrés peut-être pour la première fois un mois avant de se rendre à la mairie et à l’autel. Les découvertes viendront après.

Ces découvertes seront la plupart du temps assez agréables, nos auteurs se plaisent à le constater. Élevée comme nous l’avons vu, la jeune fille, selon les probabilités, deviendra une femme fidèle, ordonnée, attachée à ses devoirs. Le mariage de convenance n’exclut même pas l’idée d’amour. » Au témoignage de M. Hillebrand, « la plupart des mariages français sont plus heureux que nos mariages d’inclination. »

Une telle conception du mariage a pour conséquence logique l’indissolubilité : « Le mariage allemand, étant fondé sur l’inclination, doit cesser lorsque l’inclination cesse. A une conscience délicate il peut même paraître coupable s’il survit à l’inclination. » Le mariage français est au contraire une institution purement civile et sociale, dans laquelle sont placés les intérêts de tiers mineurs, et qui, en tant que garantie d’ordre public, ne devrait pas être touchée. L’extrême facilité du divorce, qui existe en Amérique, est sévèrement jugée par M. Brownell comme l’abandon d’une des conquêtes les plus précieuses de la civilisation sur l’anarchie originelle.

La famille une fois constituée, un autre trait caractéristique de nos mœurs françaises, c’est le petit nombre des enfans dans la classe moyenne et la haute classe : on en compte rarement au-delà de trois. Là encore agit ce rationalisme prudent qui a présidé au mariage, et qui exige maintenant qu’on n’ait pas plus d’enfans qu’on n’en pourrait élever dans la richesse et le bien-être. En limitant la liberté de tester, le code a eu pour conséquence de restreindre la procréation dans les familles aisées. Le père