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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/194

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soie ouvrée, tordue, ou, si l’on aime mieux, moulinée à l’étranger, entre pour une très faible partie dans notre consommation. Les plaintes de nos moulinages sont donc exagérées, et la franchise d’entrée des soies ouvrées ne leur est pas aussi préjudiciable qu’ils le disent.

Nous venons de voir que nos fabriques de soieries sont fatalement tributaires de l’étranger et particulièrement de l’Asie pour leurs matières premières et que le travail national a gardé les neuf dixièmes des façons que cette matière première doit subir avant d’entrer dans l’étoffe. Il importe maintenant de se rendre compte des autres nécessités que subissent nos tissages par le fait de la concurrence étrangère et des transformations du goût et de la mode. Cet examen nous amènera en même temps à considérer l’organisation du travail et les salaires dans nos diverses fabriques de tissus soyeux.

On a prétendu, au cours des discussions parlementaires de 1879 et de 1888, que les fabriques de Lyon, Saint-Étienne, Saint-Chamond, Paris, Roubaix, Calais réalisaient des bénéfices considérables. Cela a été vrai après la conclusion des traités de 1860, nos produits étant de beaucoup supérieurs comme qualité aux produits étrangers similaires, grâce aux traditions artistiques de nos dessinateurs et de nos ouvriers ; cela était même encore vrai, il y a une quinzaine d’années, mais l’abaissement croissant du prix de la laine et les perfectionnemens apportés dans la confection des lainages ont mis ceux-ci en faveur et les ont fait préférer à la soie pour un grand nombre d’usages. D’autre part, les modifications incessantes des modes, la tendance à multiplier les vêtemens et les façons ont écarté de la grande consommation les belles soieries qui faisaient autrefois la gloire et la fortune des fabriques françaises. Le public réclame des vêtemens à bon marché, car il veut en changer plus souvent sans accroître son budget. Les belles matières premières deviennent d’un emploi rare, ce qui est un malheur au point de vue de l’art, mais le travail augmente, puisque l’on consomme 6 mètres d’étoffe là où vingt ans auparavant on ne consommait qu’un mètre.

A Lyon, sur cent métiers, vingt seulement travaillent sur les soieries pures. Et ce qui est vrai pour Lyon est également vrai pour Saint-Étienne, Saint-Chamond, Paris, Roubaix, etc. La production des soieries mélangées, qui était, à Lyon, il y a vingt ans, de quelques millions de francs, a atteint, en 1888, une valeur de 147 millions. Et pour donner une idée de ce que ces 147 millions de francs représentent d’étoffes, il suffit de dire que parmi ces soieries, il en est qui se vendent 50 centimes le mètre.

Au reste, dans les 3,991,000 kilogrammes d’étoffes soyeuses