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disciples de Pierre, son interprète, comme l’appelle Papias[1], ou son secrétaire, suivant le mot de saint Jérôme[2], accompagne le chef des apôtres dans ses missions. Il se nommait Marc et paraît être le Jean Marc des Actes[3].

Il se mit à la suite de Pierre, vers l’an 42, lorsque celui-ci, persécuté par Hérode Agrippa, dut s’éloigner de Jérusalem. C’est à Rome même qu’il vint annoncer l’Évangile. Sa prédication y obtint un succès extraordinaire. Les frères voulurent avoir un souvenir écrit de la parole de l’apôtre; sur leur demande, Marc écrivit son Évangile. L’apôtre approuva l’œuvre, qui, revêtue de son autorité, fut lue désormais par toute l’Église, ainsi que l’atteste saint Clément, au sixième livre de ses Hypostases[4].

L’antiquité est unanime à affirmer ces faits[5].

En comparant ce second Évangile au premier, dans une vue d’ensemble, on voit qu’il s’en distingue d’abord par sa brièveté. Tout l’élément judaïque de saint Matthieu, tout ce qui, dans l’histoire de Jésus, avait été relevé à l’adresse des Juifs comme preuve qu’il était le Messie d’Israël, est écarté : la généalogie davidique, les faits de l’enfance, le discours sur la montagne, dans lequel la loi nouvelle du Messie s’oppose aux imperfections de la loi ancienne et aux traditions, aux doctrines erronées des Rabbins, les nombreuses paraboles du Royaume de Dieu. On voit qu’il s’adresse à des lecteurs qui ignorent les usages des Juifs[6].


C’est la vie publique de Jésus-Christ, Fils de Dieu, qu’il raconte. Ces retranchemens considérables ont fait nommer cet Évangile un abrégé, et saint Marc l’abréviateur[7].

Il ne faudrait pas forcer l’expression jusqu’à méconnaître l’originalité réelle du second Évangile. Évidemment, il a été composé d’après le premier; sauf les retranchemens que nous venons de signaler, la ressemblance pour le choix et l’ordre des faits est incontestable. Saint Marc a dû avoir sous les yeux l’Évangile araméen de saint Matthieu, et il s’en est servi pour rédiger le sien en langue grecque. Mais, dans le récit des faits, son originalité se montre. Une comparaison attentive dénote qu’il est renseigné par ailleurs et qu’il a entendu son maître, l’apôtre Pierre. C’est à cette source

  1. Eusèbe, loc. cit.
  2. Epist., CXX, qu. 11.
  3. Act., XII, 25.
  4. Jérôme, De vir. illustr., VIII.
  5. Cf. Papias, ap. Eusèbe, Hist. ecclés., III, 39; Clément d’Alex., ap. Eusèbe, II, 15; VI, 14; Irénée, Adv. hœr., III, 1; Épiph., Hœres., LI, n° 6.
  6. Cf. Marc, VII, 1-4.
  7. Cf. Jérôme, De vir. illustr., c. VIII; August., De cons. Evang., I, 4; Eusèbe, Hist. ecclés., II, 15.