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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/548

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sanctionnée par la vertu de l’Esprit de Jésus vivant en eux, et leur suggérant à l’heure même tout ce qu’il faudra dire[1].

C’est ainsi que l’Église, dans une tradition ininterrompue, a toujours considéré les Évangélistes.

Il suit de là qu’on ne peut distinguer dans leur œuvre un élément propre aux écrivains et un autre propre à celui dont ils écrivent. Tout ce qui est sorti de leur plume appartient à Jésus, soit comme acte de sa vie, soit comme enseignement de sa doctrine. L’acte est plus ou moins nettement, vivement décrit, l’enseignement est reproduit plus ou moins complet ou fragmenté, mais l’un comme l’autre est partie intégrante de la vie et de la doctrine du Maître.

Là est le secret de la beauté, de la simplicité, de la sainteté, de l’immortelle vertu des Évangiles. Ce n’est point l’âme, l’esprit, le génie des écrivains qui ont passé en eux, c’est l’âme, le génie, l’esprit de leur héros. Il vit en eux, agit, parle, émeut, éclaire et sanctifie. Sa douceur rayonne et enveloppe, son attrait charme et attire, ses exemples entraînent ; sa bonté se communique toujours. On marche à sa suite avec les pauvres gens qui lui faisaient cortège, avec les pécheurs et les malades dont il guérissait les plaies visibles et les blessures cachées ; on peut écouter ses leçons, comme il les donnait à la foule, s’asseoir avec elle pour les entendre, au sommet des collines de Galilée ou sur la grève de son lac, l’accompagner dans ses voyages et le reconnaître avec ses fidèles comme le Fils de Dieu. Non, personne n’a parlé avec une telle puissance et répandu plus de bienfaits. Ses confidences intimes à ses disciples, ses adieux, ses derniers entretiens à la veille de mourir nous semblent adressés ; ses douleurs se laissent voir dans leur plénitude effrayante ; son supplice atroce nous fait pleurer comme ses amis au pied de la croix. Son triomphe prodigieux nous rassure ; et, en le voyant quitter la terre dans la gloire de son Ascension, nous nous sentons pleins d’espérance et de force, car il nous laisse, comme à ses disciples fidèles, l’Esprit qui a vaincu le monde et qui fait de nous des enfans de Dieu.

Ces documens gardent une vie, une jeunesse, une fraîcheur éternelles. Ils sont comme le Christ dont ils témoignent. Il était hier, il est aujourd’hui, il sera demain. Le ciel et la terre passeront : son être, sa parole, jamais. Tous ceux qui souffrent peuvent lire les Évangiles, ils y goûteront une consolation ; ceux qui aiment peuvent les méditer, ils y apprendront le sacrifice ; ceux qui veulent le bien peuvent les interroger, ils trouveront là le secret de toute vertu. Les désespérés y verront le salut, et tous ceux qui

  1. Jean, XIV, 10.