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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/553

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de la patrie. Quel que soit leur travail, — qu’ils se recueillent pour retrouver leurs souvenirs, qu’ils interrogent les divers témoins de la vie du Maître, qu’ils consultent les écrits antérieurs, — l’Esprit est là pour les défendre contre l’inattention et la fraude, pour les maintenir dans la pleine vérité du témoignage.


VI.

L’indissoluble harmonie entre les quatre Évangiles a toujours été reconnue, en dépit de leurs différences, dès la plus haute antiquité. Elle est de tradition universelle dans l’Église. Chacun de ces livres contenant la parole même de Dieu il était impossible d’admettre entre eux un désaccord. La parole de Dieu ne peut être en contradiction avec elle-même. Aussi, dès le milieu du IIe siècle, des concordances, des diatessaron, comme on les nommait, furent publiés pour ramener à l’unité les quatre récits inspirés. Cette unité a priori est justifiée par l’étude critique, par une comparaison attentive des documens. Non-seulement les trois premiers Évangiles, qu’on a nommés synoptiques à cause de la similitude manifeste de leur plan, concordent entre eux, mais ils s’harmonisent avec le quatrième, malgré de profondes divergences apparentes.

Le premier coup d’œil jeté sur ce dernier ouvrage montre, en effet, qu’il ne rappelle en rien ses trois devanciers. Les faits, le cadre géographique et chronologique, les discours, tout diffère. Certains critiques se sont empressés de conclure de ces différences à une contradiction, et ils ont formulé ce dilemme: si les synoptiques sont exacts dans la façon de retracer la vie de Jésus, saint Jean nous a donné une histoire fantaisiste, et si les discours rapportés par les trois premiers Évangiles sont les vrais discours de Jésus, ceux de saint Jean sont une composition artificielle; et inversement, si le quatrième Évangile est véridique dans ses récits et ses discours, les trois premiers ne peuvent l’être.

von-seulement les différences réelles, évidentes, que nous devons constater entre les Évangiles synoptiques et le quatrième, n’autorisent pas à conclure à une opposition irréductible, mais elles démontrent plutôt l’harmonie indissoluble des quatre documens. Saint Jean ne contredit pas ses devanciers, il les complète et les explique, au point de vue du cadre géographique et chronologique de la vie du Maître, des faits qui forment la trame de cette vie, et des discours qui résument son enseignement.

Les trois premiers Évangiles n’ont donné pour théâtre à l’apostolat de Jésus que la Galilée et Jérusalem ; le récit de saint Jean prouve qu’avant d’annoncer en Galilée le Royaume de Dieu, Jésus,