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fournissent et lui fourniront toujours les ouvriers dont elle a besoin, qu’elle a des golfes bleus largement échancrés, une fertilité n’attendant, pour se déployer comme au temps de Carthage et de Rome, que des routes et surtout, par-dessus tout, des rades d’un accès facile et bien abritées. Dès l’année 1881, le bey avec lequel la France devait signer l’acte du protectorat avait compris qu’il lui fallait des ports et que le premier de ces ports à ouvrir devait être celui de sa capitale. A cet effet, le bey en fit, dès cette époque, la concession à une compagnie française, dite la société des constructions des Batignolles. En 1885, la concession du bey était rejetée comme trop peu avantageuse. En 1887, elle fut reprise et la compagnie française, la même que celle de 1881, d’accord avec le conseil général des ponts et chaussées, s’engagea à construire le port de Tunis moyennant une somme de 12 millions de francs et un délai fixé à six ans. C’est donc en 1894 que le port de Tunis devra être terminé, et dans les conditions suivantes: un avant-port à la Goulette d’une profondeur de 6m, 50 et d’une longueur de 100 mètres au plafond ; un canal à travers le lac d’une longueur de 8 kilomètres environ, profondeur 6m, 50, largeur du plafond, 22 mètres ; à l’extrémité de ce canal un bassin de 12 hectares de superficie, d’une profondeur de 6m, 50, bordé de quais en charpente sur trois faces, des wharfs destinés à faciliter les opérations de chargement et de déchargement. Des hangars, des voies ferrées, un outillage complet, établis sur le quai le plus rapproché de la ville, assureront l’embarquement et le débarquement des voyageurs et des marchandises. En 1882, le mouvement de la Goulette se chiffrant par 55,000 passagers, et 165,000 tonnes de produits divers, il est probable qu’à l’ouverture du nouveau port, soit en 1894, ces deux chiffres pourront doubler.

Revenons au passé.

Il est facile de reconstituer la capitale de la régence telle qu’elle était encore il y a peu d’années. Il suffit pour cela de transformer en marais infects, l’avenue de la Marine, grande voie, — Trop grande voie au temps des insolations mortelles, — conduisant du lac de Tunis à Bab-Bahn, porte principale de la ville arabe, puis, de placer à droite et à gauche des remparts où se trouvent les faubourgs Bab-Dzira et Bab-Souika, le ghetto des israélites et les fondouks des Européens. On sait ce qu’est un ghetto, mais on ne sait pas aussi bien ce qu’était un fondouk que les Européens ou les étrangers résidant à Tunis appelaient « le quartier franc. »

Les fondouks se composaient de constructions basses en pierre de taille où se tenaient les Français, les Italiens, les Espagnols ou