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sur ses traces, et l’on vulgarise l’encyclopédie du temps en vers secs et plats.

Les productions les plus vraiment originales du moyen âge flamand, ce sont quelques ballades populaires qui offrent une grande analogie avec les vieilles ballades allemandes ; ce sont surtout des cantiques et des noëls d’un sentiment naïf et poétique, dont quelques-uns font songer aux tableaux des premiers gothiques.

Au sortir de l’anarchie féodale et communale, deux tentatives furent faites pour réunir les dix-sept provinces des Pays-Bas en un état constitué, de manière à former une entité politique et administrative. La première, catholique, monarchique et latine, eut son point de départ et d’appui dans le Midi. Ce fut celle des ducs de Bourgogne.

Elle eut pour résultats l’invasion des mœurs, des modes, et du goût français. Dès lors commença, dans la partie du pays qui recevait plus directement l’influence de la cour, un étrange dualisme de langage et par conséquent d’idées entre les classes supérieures, qui ne parlèrent et ne pensèrent plus qu’en français, et les classes inférieures, qui conservèrent les habitudes d’esprit et la langue de leurs pères, cette dernière abâtardie, il est vrai, déformée par des tournures exotiques, mélangée d’une foule de mots étrangers et reléguée au rang d’instrument grossier des pensées les plus communes. A partir de ce moment, dans les Pays-Bas méridionaux, deux langues et deux littératures vivent ou plutôt végètent côte à côte, stériles toutes les deux, l’une parce qu’elle n’est pas assez originale, l’autre parce qu’elle n’est pas assez éclairée.

On sait comment l’intolérance aveugle et l’incurable entêtement d’un souverain qui, du fond de son cabinet, prétendait gouverner le monde avec des paperasses, détruisit l’œuvre du saige duc Philippe le Bon. Alors commence l’autre tentative d’unification partie du nord, protestante, républicaine et germanique, celle de Guillaume d’Orange. L’hostilité des provinces wallonnes, les victoires du prince de Parme et la prise d’Anvers la firent échouer.

Après ce deuxième avortement d’une idée que seuls quelques lettrés caressent encore aujourd’hui, deux nationalités se formèrent : l’une franche, naturelle, nettement caractérisée, fondée sur la race et la langue comme sur les institutions, celle des Provinces-Unies de la Néerlande; l’autre hybride, n’ayant d’autres liens que le culte et l’administration, celle des Pays-Bas catholiques, qui sont devenus le royaume de Belgique.

Liberté politique, prospérité matérielle, progrès intellectuel, tel fut le lot des provinces émancipées. Elles eurent des hommes d’état comme Maurice de Nassau, Frédéric-Henri, Guillaume III, Barneveldt,