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les de Witt; des amiraux comme Tromp et Ruyter; des publicistes comme Grotius; des philosophes comme Spinoza; des peintres comme Rembrandt; et, à côté de tout cela, une littérature presque originale qui produisit, au XVIIe siècle, Vondel, individualité puissante dans laquelle il y a du Corneille et du Milton ; au XVIIIe Bilderdyk, talent souple et fécond, qui, comme il le dit lui-même à Napoléon Ier , « fit tout ce qu’il devait faire pour être connu dans la république des lettres, » mais expia par une obscurité relative le tort d’appartenir à une petite nationalité et de parler une langue peu répandue.

Quant aux provinces soumises, sans commerce, sans industrie, sans mouvement intellectuel, elles tournèrent vers les arts plastiques tout ce qui leur restait d’activité et d’énergie et elles eurent Rubens, Van Dyck, Jordaens, Teniers. Jamais béguinage plus muet et plus mort ne fut décoré plus magnifiquement. Dans les grandes villes du pays flamand, autrefois si riches et si puissantes, les somptueux hôtels déserts des patriciens et des marchands émigrés s’écroulaient le long des rues où l’herbe croissait. On vivait tranquillement des débris de l’opulence passée, pensant peu, ne lisant guère et écrivant moins encore. Le peu qu’on faisait était calqué sur des modèles français, dont l’imitation lourde et gauche resta absolument stérile. La poésie flamande avait trouvé un dernier asile au sein des chambres de rhétorique, où l’on rimaillait, en l’honneur des neuf sœurs et de Phébus Apollon, des vers dont toute la défroque mythologique, prodiguée avec excès, ne parvenait pas à masquer l’écœurante platitude.

L’annexion à la France, en 1797, entraîna les provinces belges dans le tourbillon de la république et de l’empire. Puis vint la réunion au royaume des Pays-Bas, pendant laquelle on alla d’abord au plus pressé, c’est-à-dire à la réparation matérielle. Le développement intellectuel fût venu sûrement après, mais le gouvernement du roi Guillaume ne sut pas ménageries convictions catholiques de ses sujets flamands, ni l’attachement de ses sujets de race latine à leur langue nationale, et l’édifice élevé par les traités de Vienne s’écroula en septembre 1830.

Chose étrange, c’est au lendemain de la révolution qui créa le royaume de Belgique et dont les auteurs avaient invoqué comme un grief contre l’ancien gouvernement les mesures qu’il avait prises pour étendre l’emploi de la langue néerlandaise, c’est au lendemain de cette révolution que commence un véritable réveil littéraire, et que nous voyons éclore une pléiade de poètes et de romanciers flamands.

Durant les premières années qui suivirent la fondation de l’indépendance