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même pas aux secrets de ceux qui ont voulu le surprendre et s’emparer de lui. Il travaille paisiblement, il est tout entier à ses labeurs, à ses peines, à sa vie pratique, à ses luttes contre les élémens qui détruisent en un jour l’œuvre d’une année. Il ne s’occupe pas du reste. Que demande-t-il? que n’a-t-il cessé de demander depuis les élections? Il demande qu’on songe à ses affaires, qu’on se décide enfin à apaiser, par une administration mieux inspirée, tous ces mécontentemens, ces griefs, ces mécomptes qui ont été un instant la force unique d’un mouvement expirant aujourd’hui dans de médiocres convulsions et dans les bavardages. C’est tout son vœu, c’est toute sa politique!

Ce serait bien, à ce qu’il semble, l’occasion favorable, le moment d’offrir au pays, dans le désarroi d’un mouvement avorté, la politique de paix morale et de réparation qu’il attend. Oui, sans doute, ce serait le moment de réaliser, après un an déjà écoulé, les promesses des élections, de soutenir le gouvernement dans cette œuvre. Il faut bien qu’on sente la nécessité des choses, puisque tout le monde en parle, et M. le président de la république, et les principaux ministres, et les républicains les plus éclairés; mais voilà l’inconséquence des partis! A peine le danger semble-t-il passé, que les préjugés, les passions de secte se réveillent, et ceux qui ont le plus contribué à créer par leurs excès de domination ce danger auquel on vient d’échapper, ceux-là mêmes sont les premiers à juger que le moment est venu de recommencer. Les radicaux sont déjà en campagne contre les plus simples velléités ou apparences de modération. Ils voient le cléricalisme partout, ils sont risibles avec leurs soupçons ! Ils trouvent qu’on apaise trop, qu’on ne laïcise pas assez vite, qu’on ne fait pas assez d’exécutions, comme celle de Vicq, qu’on met trop de ménagemens dans l’application de la loi militaire aux séminaristes, dont on ferait des brancardiers. Certes, ces bons apôtres du radicalisme, qui ont été les premiers alliés de l’homme au panache, ont été bien ardens pour le régime des « curés sac au dos. » Aujourd’hui, cependant, ils sont dans une singulière perplexité. Si avec les séminaristes on fait des brancardiers, c’est un privilège! Si on les met dans les régimens, est-ce qu’ils ne vont pas pervertir l’armée, répandre autour d’eux la contagion de l’esprit d’obéissance, des habitudes de discipline, du respect des supérieurs? Il faut évidemment trouver quelque autre bonne combinaison bien oppressive! Et puis voici le solennel M. Brisson qui s’avance, avec ses propositions fiscales au sujet de l’impôt sur les propriétés des associations religieuses. Qu’il y ait dans ces questions brusquement réveillées des difficultés juridiques assez délicates, l’inflexible M. Brisson ne s’arrête pas à ces détails, il somme impérieusement M. le ministre des finances d’avoir à rendre compte de ce qu’il a fait contre les associations religieuses.

C’est une campagne déjà tout organisée pour la rentrée des chambres. De sorte qu’au moment même où l’aventure boulangiste finit dans