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pacificatrice et sur les actes du commissaire extraordinaire, le colonel Künzli, qu’il a envoyé à Bellinzona. Les chambres elles-mêmes ont eu à discuter ces événemens et à voter sur les résolutions du gouvernement.

Au demeurant, le conseil fédéral a fait sans doute ce qu’il a pu pour tout concilier, pour sauver ce qui restait de légalité, sans dissimuler néanmoins une certaine faiblesse pour le parti qui a fait l’insurrection. Il a un peu pratiqué ce qu’on peut appeler la politique des cotes mal taillées. Il est certain que, s’il a refusé dès le premier moment de reconnaître le gouvernement provisoire qui s’était institué à Bellinzona, il lui a donné, d’un autre côté, une apparence de raison en décidant le référendum immédiat que réclamaient les radicaux et qui a été effectivement l’objet du vote du 5 octobre dans le canton du Tessin. Deux questions principales ont été soumises au vote populaire. La constitution cantonale serait-elle révisée ? La révision, si le principe en était admis par la population tessinoise, serait-elle faite par une assemblée constituante? Le scrutin s’est ouvert au milieu des excitations des partis, dans des conditions où l’influence des agitations du moment devait nécessairement se faire sentir, et les deux questions ont été résolues par le vote populaire à l’avantage des radicaux partisans de la révision et de l’assemblée constituante. Le fait est acquis. Restait, il est vrai, une dernière question qui n’est pas la moins délicate : c’était la réintégration du gouvernement régulier qui avait disparu dans la bagarre du 11 septembre. Le conseil fédéral s’était réservé le choix du moment où il pourrait rétablir le gouvernement légal. C’était, c’est toujours son intention, c’est dans ce sens qu’il a donné ses instructions à son commissaire dans le Tessin. Il a néanmoins rencontré des résistances qu’il est occupé à vaincre. Le conseil fédéral ne peut livrer la légalité, céder jusqu’au bout aux radicaux sans se faire le complice de la sédition; il ne voudrait pas non plus remettre au pouvoir l’ancien gouvernement conservateur sans condition, sans s’être assuré quelques garanties propres à apaiser les esprits. On en est là.

De toute façon, c’est une crise qui n’est pas finie dans le Tessin, qui continue au milieu des excitations des partis plus que jamais ardens à la lutte pour cette révision qui vient d’être votée. Il y a cependant un fait qui se dégage de ces petites agitations d’un canton suisse. Si les conservateurs ont pour eux la légalité, s’ils ont le droit de reprendre un pouvoir qui ne leur a été arraché un moment que par la sédition, ils ont devant eux une opposition nombreuse et passionnée. Si les radicaux, de leur côté, viennent d’avoir une majorité dans le vote populaire sur la révision, cette majorité est insignifiante. Il y a tout au plus une différence d’une centaine de voix entre les deux partis. C’est évidemment une de ces situations où il n’y a de paix possible que par les transactions,