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convoquait dans la pittoresque Dundee deux cent dix unionistes munis des pouvoirs de cent soixante et onze fédérations, lesquelles enregistraient sur leurs listes jusqu’à huit cent quatre-vingt-cinq mille adhérens.

Si considérables qu’ils soient, ces chiffres sont actuellement dépassés. Du 1er  au 6 septembre, les élus de 1,427,080 ouvriers se sont réunis, au nombre de 460, dans un des édifices publics de Liverpool, sous la présidence de M. William Matkin, secrétaire-général de l’union des charpentiers. Nous examinerons comment ils se sont comportés, quelles discussions ils ont abordées, à quel ordre d’idées ils semblent avoir obéi ; à une époque où les luttes économiques, la fixation des heures de travail, les conflits entre patrons et ouvriers détournent de la politique pure l’attention des parlemens et des chefs d’état, l’histoire du plus récent meeting des trades-unions méritait d’être entreprise. Nous rappellerons d’abord l’origine de ces sociétés et les obstacles de toutes sortes qu’a rencontrés leur développement ou, pour mieux dire, le droit à l’existence qu’elles possèdent aujourd’hui.


I.

Les associations ouvrières ne sont pas, à proprement parler, une nouveauté. Le moyen âge avait été le témoin indifférent et même hostile des projets de constitution collective que les classes laborieuses s’étaient plusieurs fois efforcées de mener à bien. Si infructueuses qu’elles aient été, ces tentatives n’en ont pas moins laissé des traces. Le plan général des guilds, les principes dont s’inspiraient ces corps de métiers, ne diffèrent pas très sensiblement des règlemens fondamentaux des communautés contemporaines. Leur but était identique. Il s’agissait d’assurer aux hommes qui en faisaient partie le gain régulier et incontesté auquel leur donnait droit l’exercice d’une profession. Démocratiques et populaires, ces anciennes corporations avaient peu à peu attiré à elles, accaparé toutes les branches de l’industrie britannique, et elles se seraient peut-être reliées d’une façon ininterrompue et pacifique aux institutions similaires de notre temps, si elles n’avaient acquis, aux dépens des gouvernemens locaux, une force qui causa leur perte. Il n’est pas un historien qui ne reconnaisse qu’elles étaient, il y a quatre cents ans déjà, assez puissantes pour disputer l’administration des villes à la bourgeoisie, ou tout au moins pour la partager avec elle. Un semblable état de choses formait avec les habitudes du pays et les préjugés de caste un contraste si violent qu’il était