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est vrai, en se plaçant à un point de vue pratique des plus étroits, que la contradiction que nous venons de signaler n’existait pas nécessairement, puisqu’il n’y aurait qu’à prendre les bases scientifiques, telles qu’elles ressortent des recherches des savans d’Europe, et que l’application seule en serait quelque peu différente sous les tropiques. Erreur bien grave, notamment lorsqu’il s’agit des phénomènes de la vie ! On a beau comparer, quant à l’effet subi par la végétation, la mousson sèche à l’hiver, la mousson pluvieuse à l’été et au printemps, il n’en est pas moins vrai que les formes et les fonctions par lesquelles se manifeste la vie végétale sont bien différentes, dans un pays équatorial et dans la zone tempérée. Ici et là les manifestations de cette vie sont tout autres, bien que les lois essentielles qui la régissent restent les mêmes.

Ainsi, dans leur intérêt direct, il faut que les colonies tropicales possèdent des établissemens scientifiques pour l’étude de la vie végétale, dans ses formes et dans ses fonctions. Des institutions de ce genre, relevant d’universités ou de facultés, n’existant pas, il est évident que des jardins botaniques créés par l’état sont indispensables. Ces jardins ont un double objectif, scientifique et pratique ; mais n’oublions pas que c’est la science qui constitue, pour ainsi dire, la souche ; l’institution scientifique forme le tronc, sur lequel on greffe des branches utiles. Pour peu que le tronc soit entravé dans sa croissance et perde de sa vigueur, les branches ne manqueront pas d’en souffrir, et même elles finiront par périr. Ainsi, tout ce qui rabaisse le niveau scientifique d’un jardin botanique tropical est contraire, non-seulement à l’avancement de la science, mais tout autant à l’intérêt direct de la colonie.

Il importe d’insister sur cette vérité, parce qu’il y a toujours chez les agriculteurs une tendance à ne pas distinguer un jardin botanique d’une station agronomique ou d’un jardin d’essais. Cette erreur est excusable chez des personnes qui, ne comprenant pas le festina lente de la science, voudraient toujours des réponses immédiates aux questions de pathologie et de physiologie végétales, posées par eux dans l’intérêt d’une culture spéciale à laquelle ils s’adonnent. Ce manque de patience et de compréhension du modus operandi dans les investigations scientifiques constitue la raison principale pour laquelle les stations agricoles fondées par les agriculteurs eux-mêmes risquent de ne pas donner les résultats qu’on en attend, et que mériteraient certes les louables efforts de ceux qui les ont créées. A l’abri de ces impatiences, un établissement de l’état poursuit son développement régulier. Il étend sa sphère d’action de plus en plus, dans l’intérêt