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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Vous connaissez la fortune telle que la peint Michel-Ange, le pied sur sa roue éternellement tournante. Elle ne s’arrête jamais, elle ne cesse de répandre sur la race humaine, sur les empires et sur les hommes, le bien et le mal, la paix ou la guerre, les bons et les mauvais jours, les années heureuses ou malheureuses. La fortune, pour cette fois, a fait de cette année qui s’achève au milieu des frissons d’hiver et des influences maladives d’une saison ingrate, une année mémorable à sa manière, au moins exceptionnelle entre toutes : mémorable ou exceptionnelle par tous les spectacles qu’elle a offerts, par les souvenirs qu’elle a évoqués, par les idées qu’elle a remises en mouvement, par le plus prodigieux assemblage de diversions, de fêtes et d’expériences publiques. C’est d’abord pour l’Europe une année de paix générale, ou, si l’on veut, de répit, de trêve bienfaisante entre les crises auxquelles on a échappé et les crises qu’on est toujours réduit à redouter. C’est surtout pour la France, l’année de l’Exposition universelle, de la plus libérale hospitalité offerte au monde, d’une de ces commémorations séculaires qui marquent une grande étape dans la vie d’un peuple, — et par surcroît, des élections qui ont pu s’accomplir au milieu de l’éclat des paisibles manifestations sans les interrompre ni les troubler. Tout a marché de front, tout s’est accompli avec la bonne volonté et le bon esprit de la France intéressée à ses propres succès, avec le concours de toutes les nations accourues au Champ de Mars. On ne peut pas dire que la fortune variable et si souvent fantasque ou ennemie ait été inclémente pour cette année qui arrive à sa dernière heure.