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que Turenne ne le pensait. Il suit son dessein : une de ces marches rapides et bien ordonnées dont il avait le secret l’amène sous les murs de La Capelle ; la place n’est pas grande, mais elle a un certain prestige ; ce sont les gens de M. le Prince qui l’occupent, et Turenne veut un succès. Déjà renforcé en hommes et remonté en chevaux, il donne à Du Passage le temps de lui amener la grosse garnison sortie de Condé, recouvrant ainsi l’égalité numérique. Il a surtout rendu la confiance, relevé les courages, retourné les rôles, et son ton n’est plus le même : « L’armée est bien disposée pour une attaque générale, au cas que l’ennemi veuille donner aux lignes, » écrit-il à Mazarin le 24 septembre[1]. Ces « bonnes dispositions » ne furent pas mises à l’épreuve. L’armée d’Espagne, sans solde, sans vivres, ruinée par la désertion, dut lever le blocus de Saint-Ghislain et n’approcha de La Capelle que pour y voir entrer les troupes françaises. Puis elle disparut, rentrant dans ses quartiers d’hiver. Qui eût dit, deux mois plus tôt, que la campagne se terminerait ainsi ?


VIII. — FAIT D’ARMES DU 29 MAI 1657. — AVEC SA CAVALERIE, M. LE PRINCE DÉGAGE CAMBRAI.

Il tardait à don Juan de relever le prestige des armes de son roi. Dès les premiers jours de l’année 1657, il reprenait, sous l’inspiration de Condé, l’entreprise manquée vers la fin de l’année précédente, et rouvrait la campagne par l’attaque de Saint-Ghislain, dont il se rendit maître le 7 mars. Mais cet effort l’épuise ; tout semble permis à l’armée française. Un traité conclu entre le roi très chrétien et la république d’Angleterre paraît devoir appeler la guerre dans la Flandre maritime. Les ressources de l’Espagne s’accumulent dans cette région ; ailleurs les places sont dégarnies. Les premiers mouvemens de Turenne répondent à ces dispositions. Il se dirige vers la mer ; déjà il est près de Montreuil, lorsque, tournant brusquement et marchant jour et nuit, il investit soudain Cambrai.

Rien ne manque aux fortifications de cette place ; l’Escaut arrose les fossés ; à l’est, sur le mont des Bœufs, une vaste citadelle, aux défenses compliquées, exerce au loin son commandement. L’archevêque est prince de l’Empire, et cette dignité a toujours été l’objet de mainte convoitise ; Mazarin ne l’a jamais perdue de vue. La ville, grande, industrieuse, abonde en ressources de tout genre ; là s’organisent les bandes qui vont brûler des hameaux, rançonner

  1. Affaires étrangères.