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REVUE DRAMATIQUE

Théâtre-Français : Margot, comédie en 3 actes et en prose, de M. Henri Meilhac.

Spirituelle, comme toujours ; ingénieuse ; très « parisienne, » moins « parisienne, » à la vérité, que Ma Camarade ou que Décoré, mais assez « parisienne » pour nous ; d’ailleurs, adroitement mise en scène et convenablement jouée, Margot, la nouvelle comédie de M. Meilhac, a par malheur le triple défaut de n’être pas très claire, d’être déplaisante en ce qu’on en comprend, et de n’être pas faite. Seraient-ce là des qualités sur la scène du Théâtre-Libre, dont les jeunes auteurs commencent à préoccuper visiblement leurs devanciers ? et où tout ce qui peut, tout ce qui doit déplaire et choquer, est mis sous le nom d’imitation plus fidèle de la vie ? sur la scène des Variétés ? sur celle du Palais-Royal ? où la dérision de l’art même et de ses moyens fait habituellement le fond du vaudeville. Ce n’en sont pas, au moins, sur la scène du Théâtre-Français ; — et rien n’a plus étonné dans Margot, l’autre soir, après l’indécision du sujet, qu’un certain air de familiarité, de négligence ou d’improvisation, que rendait plus sensible encore le jeu compassé des acteurs.

On connaît le sujet de la pièce. Un viveur sur le retour, M. de Boisvillette, galant homme d’ailleurs, a souvent rencontré, dans le monde où l’on s’amuse, une jeune fille encore honnête, — si tant est que l’honnêteté se réduise à ce que vous savez, — qui promène de soupers en soupers, à la suite de Mlle Carline, sa marraine, un dégoût instinctif de la vie trop facile à laquelle elle se sait destinée. C’est Margot, dont la mère est morte quelque part, à Rio-Janeiro, si j’ai