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contribué à répandre des idées plus justes[1]. Devant les statues de l’Acropole, on ne peut se refuser à l’évidence et l’on a comme la vision d’une théorie de femmes athéniennes en parure de fête, dans tout l’éclat de leur costume bigarré. Robes et peplos sont décorés d’ornemens peints, fidèlement copiés sur les tissus brodés à la mode ionienne qu’avaient adoptés les femmes élégantes d’Athènes. Ces dessins, gravés d’abord à la pointe, puis repris au pinceau, comportent des grecques, des quadrillés, des semis de fleurs étoilées. Parfois même le sujet, plus compliqué, paraît emprunté à quelque riche tapisserie où l’aiguille avait retracé des scènes de la vie grecque ; ainsi sur le bord supérieur d’une de ces chemisettes que nous avons décrites, on voit une zone de chars lancés au galop, qui rappelle le décor des vases peints. Le vert clair ou foncé, le rouge, le bleu vif, tels sont les tons qui composent la palette du peintre. Veut-on se faire une idée du goût qui préside à la répartition de ces ornemens ? Voici, pour prendre un exemple précis, quelle est la polychromie d’une de nos statues[2]. L’artiste a fait courir sur le devant de la robe une large bande de méandres où les tons verts se marient avec les rouges ; il a jeté sur le peplos un délicat semis de fleurs à sept feuilles alternativement rouges et vertes, et tracé sur la bordure une grecque très riche qui suit les contours des plis tuyautés. Ajoutez que les cheveux sont peints en brun rouge, que le diadème ou stéphané est couvert de méandres interrompus par des palmettes et couronné de fleurs de lotus en bronze ; vous pourrez imaginer la coloration chatoyante qu’offrait la statue sortant des mains du peintre, dans toute la fraîcheur de sa brillante parure.

Nous touchons ici à une question qui a soulevé de vives controverses, celle de la polychromie dans la statuaire antique. Depuis la publication de l’ouvrage trop oublié où Quatremère de Quincy a réuni et discuté tous les élémens du problème, personne ne conteste plus l’usage de la polychromie dans l’art grec[3]. Les fouilles faites dans l’orient grec nous ont livré assez d’exemples de marbres portant des traces de peintures, pour dissiper les préjugés les plus tenaces. Il nous suffira de rappeler les trouvailles de M. Newton à Halicarnasse, et celles d’Olympie. Toute la question est de savoir dans quelle mesure la couleur complétait le travail du ciseau. Le

  1. Les auditeurs qui suivent les leçons sur le costume antique professées chaque année par M. Heuzey à l’École des Beaux-Arts savent avec quel art l’éminent professeur tire parti de ces documens.
  2. C’est celle qui porte sur sa base la signature du sculpteur Anténor (Musées d’Athènes, pl. VI).
  3. Le Jupiter olympien ou l’art de la sculpture antique considéré sous un nouveau point de vue, 1815.