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œuvres d’art ? Le soin pieux avec lequel les Athéniens les avaient ensevelies, au moment des grands travaux de Cimon, atteste leur caractère sacré. C’étaient des ex-voto qui devaient, même mutilés et hors d’usage, être soustraits à toute profanation. Les abords du temple d’Athéna étaient en effet peuplés d’offrandes de toutes sortes, statues votives, vases de luxe, pièces de maîtrise consacrées par les potiers du Céramique ; on a retrouvé dans les fouilles une riche série d’inscriptions où reviennent les termes habituels des dédicaces d’offrandes, ἀπαρχήν, δεϰάτην (aparchên dekatên), et qui témoignent de la piété des donateurs. Les statues que nous avons décrites faisaient partie de ces offrandes. Mais on se tromperait fort en les restituant sur de simples piédestaux, comme les marbres de nos musées. Elles se dressaient sur des colonnes de formes très variées, tantôt lisses, tantôt cannelées, et le chapiteau de la colonne formait la base de l’ex-voto[1]. L’administration du musée de l’Acropole a eu l’heureuse idée de replacer sur son support une des statues, et d’offrir ainsi aux visiteurs le vivant commentaire des peintures de vases qui, seules jusqu’à ce jour, nous avaient fait connaître cette disposition. Loin d’y rien perdre, la statue y gagne au contraire ; on s’explique mieux ses proportions élancées, son attitude hiératique ; la rigidité de ses lignes s’harmonise avec les cannelures de la colonne ; l’œuvre prend un aspect plus religieux, un caractère d’offrande plus accusé. Chose curieuse, l’art moderne a parfois recouru au même procédé. On peut voir au Louvre des anges de bronze, appartenant à l’école franco-flamande de Dijon, qui se dressent sur des colonnes, et des figures analogues sont peintes dans un tableau de Dirck Bouts, de la National Gallery de Londres, représentant l’exhumation de saint Hubert[2]. Gardons-nous des rapprochemens forcés ; nos lecteurs ne se méprendront pas à celui que nous faisons ici. Mais la disposition adoptée par les sculpteurs des ex-voto d’Athènes est assez rare dans la statuaire pour qu’il soit intéressant d’en constater l’emploi dans des arts si différens.

Une autre particularité, qui a fort intrigué les archéologues, est la suivante. Les têtes de nos statues sont surmontées d’une tige de bronze scellée dans la partie supérieure du crâne. À quoi servait cet étrange appendice ? Était-il destiné, comme l’a supposé M. Cavvadias, à soutenir une sorte de chapeau, ou mieux, de parasol, qui aurait protégé la statue contre la pluie ou le soleil ? Nous avons

  1. Voir R. Borrmann, Stelen für Weihgeschenke auf der Akropolis zu Athen, dans le Jahrbuch des arch. Instituts, 1888, p. 269.
  2. Voir la communication de M. Courajod à la Société des antiquaires de France, 16 janvier 1889.