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publics ; il aimait trop tout ce qui touche à la France pour dédaigner cette manifestation si particulière de l’esprit français. Ce qu’il voulait, c’est que les cours publics cessassent d’être le tout, et même l’essentiel de l’enseignement supérieur. Que les facultés continuassent de vulgariser avec talent, dans un certain nombre de leçons publiques, les résultats de la science, il ne l’interdisait pas ; il le recommandait même, parce qu’il voyait là une partie de leur tâche et un moyen pour elles de se tenir en rapport avec l’opinion. Mais ce qu’il demandait, c’est que cette tâche extérieure ne nuisît en rien à leur tâche interne et que le soin de l’élève passât toujours avant la préoccupation de l’auditeur.

L’événement lui a donné raison. Ce serait une curieuse histoire à suivre dans le détail, que cette métamorphose des facultés des sciences et des lettres. On la verrait commencer très modestement, d’abord en province, à Lyon, à Douai, à Bordeaux, puis à Paris, à la Sorbonne, non dans les grands amphithéâtres qui restent toujours ouverts à tout venant, mais dans des baraquemens en planches, construits et aménagés tout exprès ; on la verrait à l’origine dédaignée et raillée, puis quand elle s’accentue, dénoncée comme un danger pour le talent qui, disait-on, a tout à perdre à s’enfermer en lieu clos, et ne peut s’épanouir qu’au plein air du cours public ; on la verrait triompher peu à peu, à force de raison, à force de succès, de toutes les attaques, de toutes les résistances, et finir par porter de tels fruits que les plus prévenus ne peuvent contester qu’elle ait été féconde.

Tout d’abord, on invita les facultés à préparer à la licence. M. Duruy l’avait tenté en 1868 ; mais il n’avait pu vaincre la force des habitudes, et ses Écoles normales secondaires n’avaient pas survécu à son ministère. On renouvela la tentative et l’on fut plus heureux. Nombre de professeurs, les plus jeunes surtout, furent ravis de ce changement dans l’application de leurs efforts, et ils se mirent à la besogne d’un tel cœur qu’ils entraînèrent les autres. On n’eut d’abord pour élèves que les maîtres répétiteurs et les maîtres auxiliaires des lycées ; puis on s’adressa aux professeurs des collèges, bacheliers pour la plupart, et on leur offrit des facilités de préparation à la licence ; on entra en correspondance avec eux ; on leur corrigea des travaux ; on fit pour eux le jeudi des conférences spéciales. Enfin, à ces premières recrues, s’ajouta bientôt la phalange d’élite des boursiers de licence.

Après la licence, nouvelle étape, l’agrégation. L’agrégation n’est pas un grade, mais un concours, le concours d’où sortent les professeurs titulaires des lycées. Elle a autant de branches qu’il y a de circonscriptions dans l’encyclopédie scientifique et de groupes