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patriotisme attristé, je songeais à la jeunesse de mon pays ; je me demandais pourquoi elle ne se montrait pas, elle aussi, à la façon de la jeunesse allemande, rangée en bataille sous le drapeau de la vraie science, autour des monumens de nos gloires ou au pied de quelque statue en deuil de nos provinces perdues, et je cherchais en moi-même ce qui pourrait, dans un prochain avenir, en faire une grande famille dans le large culte de la vérité, de la liberté et de la pairie. » Si, comme je n’en doute pas, l’éloquent dominicain a suivi, depuis qu’il écrivait ces lignes, les manifestations de la jeunesse française, c’est avec un patriotisme joyeux qu’il l’a vue se former partout en familles chaque année grandissantes.

Naguère encore elle vivait éparpillée, se rencontrant seulement, mais presque toujours sans se lier et même sans se connaître, sur les bancs de l’école. Si parfois elle s’agglomérait, dans un clan d’enthousiasme ou de colère, ce n’était que pour un jour ; et, le feu tombé, elle s’émiettait de nouveau. Aujourd’hui elle fait corps et se tient. Partout où il y a des facultés et des écoles d’enseignement supérieur, partout, presque à la même heure, sous l’influence de besoins et d’instincts analogues à ceux qui rapprochaient les maîtres, elle s’est unie et associée. Et nous l’avons vue, avec ses bannières et ses emblèmes, aux funérailles triomphales de Victor Hugo, au pied de la statue de Claude Bernard, à la tombe de Quinet et de Michelet, au centenaire de Chevreul, le doyen des étudians, à l’institut Pasteur, enfin, à l’inauguration de la nouvelle Sorbonne. On l’a vue aussi à l’étranger : pour la première fois, depuis bien longtemps, elle a franchi la frontière ; et, au huitième centenaire de l’Université de Bologne, elle a porté avec grâce et fierté le drapeau de la France. Nous la retrouverons demain au centenaire de l’Université de Montpellier, et désormais nous la verrons partout où se célébrera une fête de la science ou une fête nationale. En quelques années, elle a pris et marqué sa place dans le pays.

Il faut souhaiter bonne et longue vie à ces associations d’étudians. Elles sont un des espoirs de la France. Elles ont pour liens des sentimens fort divers et d’ordres inégaux, le plaisir et les jeux en commun, l’assistance réciproque, la solidarité intellectuelle et le patriotisme. Que ces sentimens ne s’y mêlent pas partout en mêmes doses, en mêmes proportions, il n’importe. Telles qu’elles sont déjà, ces associations peuvent rendre de très sérieux services au pays.

Remarquez tout d’abord leur nom et leur constitution : Association générale des étudians de Paris, de Nancy, de Toulouse ou de Montpellier. Ce ne sont pas de petits groupes formés d’après la