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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/941

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politico-sociale n’a pas trouvé cette mesure, mais c’est déjà un mérite, pour des hommes disposés à favoriser l’ouvrier dans la répartition, de reconnaître qu’il n’y a pas de mesure commune, qu’on ne peut fixer mathématiquement les salaires. Il a été dit aussi qu’il est dans l’intérêt de la production que chacun ait sa part légitime, car ceux qui se sentiraient lésés se retireraient, et les opérations en souffriraient. Ici aussi la convention est nécessaire.

Les socialistes croient avoir trouvé une solution du problème. Elle consiste à confisquer tous les moyens de production et à organiser des ateliers nationaux. Chacun ferait partie d’un atelier, recevrait un bon d’échange par heure de travail, et au moyen de ces bons, il se procurerait les produits des autres ateliers. Divers auteurs, et nous sommes du nombre, ont montré les invincibles difficultés que ce système rencontrerait ; ses partisans eux-mêmes ne le prennent pas au sérieux, car ils n’ont pas encore abordé la solution du problème qui doit précéder l’application du travail socialiste. Ce problème, le voici : Karl Marx a déclaré qu’une heure de travail ne vaut pas une heure de travail, que le travail qualifié vaut plusieurs fois le travail simple ; or, pour savoir ce que vaut chaque sorte de travail, il faut un tarif… que personne n’a osé entreprendre, qui ne serait jamais accepté par les intéressés. Supposons cependant le tarif fait, il n’aurait d’autre effet que de généraliser et d’aggraver la pauvreté et de détruire la civilisation. Personne ne pourrait plus s’élever au-dessus du niveau commun, ce qui empêcherait tout progrès. L’école politico-sociale ne s’est pas sentie attirée vers ce système ; elle n’a du reste rien proposé de positif.

Cependant si l’on n’a pas réussi à trouver un système de répartition qui marche sous la surveillance de l’autorité, on s’est du moins occupé des salaires. L’école classique a pu établir par d’abondantes statistiques, relevées dans tous les pays, qu’effectivement les salaires n’ont pas cessé de s’élever depuis un siècle, et dans une bien plus forte proportion que le prix du pain. Ces chiffres donnent un démenti à tous ceux qui prétendent nier les progrès matériels de la classe ouvrière. Et pourquoi cette négation ? Ce n’est certainement pas pour rendre les ouvriers plus heureux ; serait-ce dans un dessein d’agitation ? Il est certain que le taux des salaires ne dépend pas des publicistes qui écrivent sur la matière, puisque patrons et ouvriers n’ont eux-mêmes qu’une faible influence sur le prix du travail à un moment donné. Le prix du travail