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REVUE MUSICALE

UN OPERA IDEAL

Ce titre seul indique suffisamment que l’Opéra dont nous allons parler n’est pas le nôtre. Aussi bien, et quoi qu’on puisse dire, ce n’est celui de personne : ni des Anglais, ni des Italiens, ni des Espagnols, ni même des Allemands. Ne vous imaginez pas que les théâtres lyriques étrangers soient tous des modèles. Il n’en existe qu’un : celui de Bayreuth, auquel un régime artistique et financier exceptionnel assure tous les deux ou trois ans le luxe de quelques représentations, exceptionnelles aussi. Il y a donc des pailles, et parfois davantage, dans l’œil de nos voisins. Mais il y a des poutres dans le nôtre, et je crois qu’il est grand temps de les voir. Des incidens récens, et au fond assez mesquins : la reprise de Lucie et l’ajournement d’un ouvrage de M. Véronge de la Nux, ont soulevé des tempêtes et ameuté les journaux parisiens contre la direction de l’Opéra. Celle-ci sans doute est loin d’être irréprochable (nous ne nous plaçons, bien entendu, qu’au point de vue artistique) ; mais MM. Ritt et Gailhard ont des complices, qu’il serait injuste d’épargner. Pour exposer, sinon pour résoudre la question de l’Opéra, il est bon de l’élever et de l’agrandir un peu. On ne veut plus de ce qui est ; soit ! Pensons, ou, si vous voulez, rêvons à ce qui pourrait être. Les rêves parfois, comme la nuit, portent conseil.

L’Opéra de nos rêves serait, d’après une définition de M. Gounod, je crois, une sorte de musée musical, où l’on représenterait toujours avec honneur des œuvres d’honneur. J’ignore si l’on y jouerait Zaïre ; mais on y jouerait Orphée, Alceste, Armide, Iphigénie, Fidelio, Euryanthe, Obéron et les ouvrages de Berlioz, inconnus de notre génération. On y