confirment le témoignage de Tertullien ; il ne s’y trouve rien qui puisse justifier cet odium generis humani, qui fut pourtant le grief principal de la société romaine contre le christianisme.
Il faut cependant faire une exception. Une haine violente, féroce, éclate par momens dans les chants des poètes sibyllins. Ces chants ont un caractère fort original dans l’ancienne littérature chrétienne. Ils sont l’œuvre de lettrés qui connaissent et imitent les classiques, mais ces lettrés ont vécu avec le peuple et ils en ont pris toutes les rancunes. Ils sont amers contre les riches, qu’ils accusent de vouloir tout accaparer et de ne rien laisser aux autres : « Si la terre n’était pas assise et fixée, disent-ils, ils s’arrangeraient pour que la lumière ne fût pas également répartie entre tous, et le soleil, acheté à prix d’or, ne luirait que pour quelques-uns. » Surtout ils détestent Rome, « la méchante ville, qui a tant fait souffrir le monde ; » ils entrevoient, ils saluent d’avance sa ruine et souhaitent d’en être témoins : « Quand verrai-je ce jour terrible pour toi et pour tous les Latins ? » Certainement les Romains ont dû avoir connaissance de ces imprécations ; s’ils ne les lisaient pas d’eux-mêmes, les apologistes avaient l’imprudence de les leur signaler, parce qu’ils croyaient y voir des preuves certaines de la vérité de leur doctrine. Que de colères a dû soulever chez eux cette lecture ! et comment n’y auraient-ils pas vu la preuve manifeste qu’ils avaient bien raison de regarder les chrétiens comme de mauvais citoyens ? Mais il faut ne pas oublier que ces chants sont nés dans l’Orient grec, c’est-à-dire dans cette partie du monde que Rome ne s’est jamais complètement assimilée, qu’ils viennent presque tous d’Alexandrie, « la divine Alexandrie, mère de cités illustres, » mais aussi ville de railleurs et de mécontens, où l’on se moquait de tout et de tous, qu’enfin la plupart ont pour auteurs des juifs ou des judéo-chrétiens, qui ne pouvaient prendre leur parti de la ruine de Jérusalem et de la destruction du temple. C’étaient quelques sectaires qui vivaient à l’écart, dans leurs colères et leurs rêves, et sur lesquels il ne faudrait pas juger tous les chrétiens. Ceux de l’Occident surtout, si l’on excepte Commodien, le poète des pauvres, avaient d’autres sentimens. Tant que le christianisme se tint caché dans les étages inférieurs des grandes villes, où vivaient confusément des gens de tous les pays, il se soucia pou de patriotisme et de politique. Mais lorsqu’il pénétra dans les classes bourgeoises ou aristocratiques, evenues si solidement romaines dans tout le monde occidental, il en prit les opinions et les idées et devint romain comme elles ; à partir de ce moment, il n’y eut plus aucun moyen de prétendre qu’un chrétien ne pouvait être qu’un ennemi de Rome.
Tout ce qu’on pouvait dire, c’est que, quelque affection qu’il