général, durs, impies, violens. Le premier devoir du souverain pieux est d’être juste envers ces pauvres de Dieu et de refréner vigoureusement l’exploitation des pauvres par les riches ; les pauvres finiront par régner un jour.
Telle était, sans nuance différentielle bien sensible, la doctrine de tous les prophètes iahvéistes. Or, pendant les années qui suivirent la ruine du royaume d’Israël, le parti des prophètes fut tout-puissant en Judée. Le roi s’y livra sans réserve. Son caractère était porté vers la justice et la piété. Déjà l’ensemble des écritures hébraïques était considérable et pouvait servir de base à une éducation morale. Ézéchias y puisa beaucoup de ses qualités et son sérieux d’esprit. Il paraît avoir été plus jeune qu’Isaïe ; la culture littéraire, qui distingue Isaïe et Michée, le pénétra encore plus profondément. Ce fut presque un lettré ; ce fut surtout un piétiste. Mais on était au début ; les excès de zèle où glisse facilement le piétisme furent, cette fois, évités.
On est quelquefois porté à croire que l’ardeur avec laquelle Ézéchias se consacra à la vraie religion fut le résultat d’une conversion qui eut sa date, d’une puissante révulsion morale, qui l’attacha désormais irrévocablement aux idées qu’il tenait pour la vérité absolue. La proclamation officielle du judaïsme aurait ainsi fort ressemblé à celle du bouddhisme, amenée par la conversion du roi Asoka. La psychologie juive ne semble pas exiger un coup de cette sorte. Le langage d’Isaïe et de Michée, dans les premières années d’Ézéchias, ne diffère pas beaucoup de ce qu’il était sous Achaz. Le iahvéisme impliquait un levain théocratique qui ne pouvait que se développer. Le iahvéisme des prophètes de Juda est essentiellement une religion sociale ; son but est la réforme de la société selon la justice. Le roi est la clef de voûte de l’édifice iahvéiste. Le roi est choisi, sacré par Dieu. Il est le mesih (l’Oint) de Dieu. Son devoir est de faire régner Dieu et de se conduire par les conseils des hommes de Dieu, c’est-à-dire des prophètes. Ézéchias ne fit donc que suivre l’indication d’événemens qui pour lui étaient la manifestation évidente de la volonté de Iahvé, la prise de Samarie, la captivité de Hosée. Il n’y eut pas deux hommes dans Ézéchias. Il y eut un convaincu, que des événemens plus ou moins évidens frappèrent. Si Salmanazar n’eût pas fait sa campagne de Syrie, il est probable que Jérusalem eût continué, malgré Isaïe et Michée, à se traîner dans l’espèce de médiocrité religieuse d’où elle ne réussissait pas à sortir. Que dis-je ? Sans les grands événemens qui semblèrent la justification des oracles iahvéistes, Isaïe et Michée n’eussent point été ce qu’ils furent. Iahvé est le Dieu vivant de l’histoire, le Dieu qui gouverne le monde. Il triomphe par l’histoire ; les grandes révolutions du monde sont ses manifestations.