Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux qui répandaient les mauvaises nouvelles, démentir celles-ci dans des proclamations au peuple annonçant que « l’empereur et l’armée se portaient bien ; » 4° au besoin parler, mais très vaguement, d’une dépêche qui serait venue du camp, de renseignemens apportés par un voyageur, de bulletins de victoire attendus d’un instant à l’autre.

De là aussi, pour amuser le peuple, toutes ces fêtes civiles et fêtes ecclésiastiques, les théâtres et les jeux de l’Hippodrome, les processions où l’empereur jetait l’argent à poignées, les banquets monstres, semblables aux congiaria de Rome, auxquels s’asseyaient tous les citoyens, les solennités des triomphes, où défilaient les émirs et les khans vaincus, les prisonniers slaves ou sarrasins, les machines de guerre, les chameaux, les éléphans conquis sur l’ennemi. Afin d’attacher le peuple à la dynastie, on fondait des hospices pour les vieillards, des hôpitaux pour les malades, des greniers à blé que le cérémonial obligeait l’empereur à visiter en grande pompe une fois par an. Romain Lécapène faisait fermer de planches les portiques où s’abritaient les lazzaroni de la capitale. L’impératrice Irène dégageait les objets que les indigens avaient été obligés de mettre en dépôt aux monts-de-piété de l’époque. D’autres souverains rachetaient les billets souscrits par les citoyens pauvres et en faisaient un feu de joie sur une des places publiques : double largesse pour les créanciers et pour les débiteurs. D’autres délivraient les prisonniers pour dettes, ou les captifs emmenés chez les barbares. Aucun moyen de popularité n’était négligé. Le plus sûr était celui qu’employait Théophile et qui consistait à parcourir incognito, comme son contemporain Haroun-al-Raschid, les rues de la capitale, à écouter les plaintes du peuple contre les fonctionnaires, à lui rendre prompte et sévère justice. Comme saint Louis sous le chêne de Vincennes, Théophile jugeait en personne dans la Phialè, Basile Ier dans la Genikos, le césar Bardas à l’Hippodrome. Le droit de pétition était un des droits imprescriptibles du peuple de Byzance : le prince recevait lui-même les suppliques du plus humble de ses sujets ou se faisait remplacer dans ce soin par le préposé aux requêtes. Quand l’empereur montait à cheval pour parcourir la ville, « les tambours battaient, les trompettes sonnaient, les clairons d’argent des buccinatores déchiraient l’air, et tout le peuple était averti de venir présenter ses pétitions à l’empereur. » (Codinus.) Dans les processions les plus solennelles, le Basileus s’arrêtait pour écouter ce qu’on avait à lui dire et prendre les papiers. La justice qu’il rendait était souvent une justice à l’orientale, à la turque. Théophile surtout est célèbre par des traits de ce genre : les bouffons de l’Hippodrome, dans une pantomime, révélèrent un