Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une particularité remarquable. On étonne ou l’on indigne ces savans qui croient renouveler le monde par la plus grande des découvertes en les rattachant, par un lien quelconque, à deux des utopistes les plus discrédités parmi ceux qui ont agité l’opinion publique au XVIIIe et au XIXe siècle. Cependant, c’est l’Italie même qui, la première, leur adressa ce reproche : « Vous ressuscitez tardivement, disait en 1885 M. Aristide Gabelli dans la Nuova Antologia, Gall et Lavater. » Un juge d’instruction français, M. Tarde, a fait une observation du même genre. « l’anthropologie criminelle, écrivait-il, n’est qu’une phrénologie nouvelle : peut-être même fait-elle de la phrénologie sans le savoir. » N’en doutons pas, c’est sans le savoir, et nous aurions mauvaise grâce à confondre ces patiens observateurs avec les hommes d’imagination qui avaient découvert la bosse de la vénération chez le mouton, celles de la musique et de la surnaturalité chez l’oie. Cependant, comment disconvenir que les anthropologues italiens poursuivent, dans leurs derniers ouvrages, le cours de leurs observations et de leurs déductions phrénologiques ? Le docteur Marro classe encore les criminels d’après la brachycéphalie et la microcéphalie, détermine des catégories par l’étroitesse du front et le diamètre vertical de la tête ; Mingazzini, Varaglia, ont fait des découvertes étonnantes sur la crête frontale hypertrophique des criminels en général ; d’autres ont calculé que le poids du cervelet et de ses annexes était de 153 grammes chez les femmes criminelles et de 147 seulement chez les femmes honnêtes. D’après Lombroso, les auteurs de viols ont le front étroit ; il y a, chez les assassins et les meurtriers, prévalence de la courbe, du diamètre transversal et de la demi-circonférence postérieure de la tête ; mais « l’anomalie qui est peut-être la plus caractéristique et certainement la plus atavistique chez les criminels, c’est, conformément au témoignage de Tenchini, de Benedikt, de Mingazzini, la fossette occipitale moyenne[1]. » Tout cela, c’est bien de la phrénologie ! Quand M. Ottolenghi se livre à d’innombrables observations sur l’échancrure nasale des criminels, et plus généralement sur la forme de leur nez[2] ; quand MM. Frigerio[3] et Gradenigo[4] divisent et subdivisent ces criminels (violateurs voleurs de grand chemin, homicides, voleurs et faussaires, incendiaires) d’après les indices fournis par la conque et le pavillon des oreilles ; quand M. Lombroso se décide par la couleur des yeux ou des cheveux, par l’épaisseur des lèvres, par le volume de la mâchoire

  1. Lombroso, l’Anthropologie criminelle et ses récens progrès, p. 29.
  2. Archivio di Psichiatria e scienze penale, 1888.
  3. Archives d’anthropologie criminelle, 1888, p. 17.
  4. Giornale della R. academia di Torino, no 8, 9, 10, 1889.